Bakari, 24 ans, est arrivé du Rwanda en Belgique à l’âge de huit ans. Il a développé durant son enfance un goût pour la musique et un sens de la mélodie aiguisée, qu’on lui reconnaît dans ses morceaux. Le 7 mai, l’artiste belge sortait « Sur Ecoute : saison 1 », où il nous apprend l’art de mêler le rap et le chant.

Salut Bakari, comment ça va ? T’as fait une bonne route ? 

Ouais tranquille. Le trafic était plutôt fluide. 

Pourquoi avoir choisi une pochette où on te voit en train de jouer aux échecs devant ton bloc ? 

C’est une référence à The Wire en fait. C’est une référence à une scène où D’Angelo Barksdale explique le jeu d’échec à deux petits bicraveurs, et au même temps il leur explique comment ça se passe dans le quartier pour le business. Il utilise un plateau d’échec pour leur expliquer ça. Et même le nom de l’EP, sur Ecoute, c’est le titre français de la série The Wire. 

Bakari

Ce qu’on retient dans tes sons c’est surtout une voix très mélodieuse, même dans les freestyles SoloBinks. Fin janvier tu as sorti le clip de Panamera, en feat avec le pianiste Sofiane Pamart. Comment est née cette collab ? 

Sofiane je l’ai connu il y a trois ou quatre ans déjà, avant de signer. J’ai connu Sofiane via Frank Luckaz, un grand reuf à moi, il connaissait déjà Guillaume Héritier qui est le manager de Sofiane. Et une fois son manager nous a calé ensemble, Sofiane et moi, pour une session studio à Paris. C’est vraiment mon pote Sofiane, ce n’est pas une rencontre qui s’est faite dans la musique, c’est plutôt une personne que je connais, qui connaît une autre personne et la connexion s’est faite comme ça. Et depuis Sofiane est devenu mon frérot, quand il vient à Bruxelles ou à Liège on s’attrape, même sans forcément faire de son, juste pour chill tranquille. Sofiane gère seulement le piano, et pour ce qui est des prods ou du mix, d’autres gens nous accompagnent. 

D’où vient ce sens de la mélodie ?

J’écoutais beaucoup de musique quand j’étais petit. J’ai grandi jusqu’à mes huit ans au Rwanda, et la musique a été présente dans mon quotidien : de la variété française, de la rumba congolaise ; il y avait de tout qui circulait. J’ai été bercé par ça.
 

 

Il y a eu des collabs similaires avec des pianistes sur Sur écoute : saison 1 ? Des prods où de vrais pianos ont été enregistrés ?

Des morceaux à la guitare ont été enregistrés pour Dans ma rue par Junio, qui fait des prods mais il est guitariste à la base. C’est un gars de ma ville aussi, il est sur tous mes projets, dès le premier jusqu’à maintenant, il a placé une prod sur tout. Sur le morceau Sommet, dont Junio a fait aussi la prod, il a enregistré des morceaux de piano avec le clavier de notes. Il n’a pas besoin d’un synthé numérique : il place les notes dans FL Studio, et une fois qu’elles lui plaisent, la mélodie est déjà finie. C’est un génie de la musique. 

Dans Sommet, tu dis d’ailleurs que « j’préférerais braquer/faire du sale que de dire merci patron ». Qu’est-ce qui t’effraie dans la vie de salarié ? 

C’est l’esclavage frère. C’est comme si tu mettais un bracelet électronique, c’est la même chose. Tu me dis à quelle heure je dois me coucher, me lever, à quelle heure je dois manger, faire une pause. Les règles de ce genre de système m’interpellent. Si tu veux acheter une maison, tu dois prendre un crédit sur trente ans et dépendre de ce système. J’aspire pas du tout à ça en tout cas.  

 

Qu’est-ce qui par le passé aurait pu faire que tu te sentes comme la déception de tes darons ? 

Plein de trucs, beaucoup trop de trucs en fait. Quand j’étais petit j’ai apporté trop de soucis à la maison, des trucs que j’aurais pu éviter, mais maintenant que c’est fait, tant pis. Personnellement je n’aime pas dire la « street-life », « c’est la rue », tout ces trucs. Le terme de rue me dérange. Si tu veux me parler de rue, la vraie rue, ce sont les SDF. On faisait nos conneries mais le soir on rentrait à la maison. Même si c’était pas le luxe, y’a un toit, un lit, dans le frigo y’avait à manger. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par choix. D’où je viens, des gens vont à l’école, ils sont diplômés, donc dire que je n’ai pas eu le choix c’est mentir. J’ai fait mes choix, je les assume, et c’est comme ça voilà. 

« Dans dans ma rue », tu disais justement » J’fais des études et je vends d’la drogue ». Tu faisais quoi comme études ? 

C’est un vieux morceau. *rire* Je ne fais plus d’étude. J’ai fait beaucoup de trucs avant de me rendre compte que ce n’était pas pour moi. J’ai fait du marketing, de l’éducation spécialisée, DUT… je suis allé sérieusement à l’école pendant un an, après j’y allais pour les allocs, comme ça mes darons n’étaient pas en chien. 

Qu’est-ce que t’ont apporté tes études ? 

Rencontrer mon manager, c’est tout. Mon manager était en cours pendant que je regardais des films et des séries à la bibliothèque, ou que je faisais des conneries dehors. 

Propos recueillis par Paul Malem