Rappeur, écrivain, slameur, poète, difficile de faire rentrer la musique de Ricky Rondo dans une case. D’origine Rwandaise, il se passionne pour l’écriture à l’âge de 18 ans et sort sa toute première mixtape il y’a maintenant 6 ans sur Soundcloud. Il revient en ce début 2021 avec son nouveau projet intitulé « Post Scriptum ».

En écoutant tout le projet, on sent que tu te prends la tête sur tes textes et que rien n’est laissé au hasard, il y a peu d’égotrip. On peut trouver de nombreux messages conscients dans tes morceaux…

RICKY RONDO : J’utilise beaucoup l’écriture et la musique pour faire passer des messages et informer les auditeurs sur des sujets qui me touchent. Je pense que ces sujets peuvent intéresser pas mal de personnes donc j’en parle à travers ma musique. Pour moi, la musique c’est plus faire passer un message plutôt que de faire de l’égotrip.

Dans le morceau Introduction-Spection je trouve que tu plantes totalement le décor et fais rentrer l’auditeur dans ton univers. Tu abordes beaucoup de thèmes qu’on va ensuite retrouver en long et en large dans les autres sons qui sont plutôt dédiés à un thème par son. Peux-tu m’expliquer ce choix ? Le fait que la majeure partie des thèmes qu’on retrouve dans ton projet soit abordée brièvement dans l’introduction ?

Exact ! C’est la définition même du titre, car non seulement c’est une introduction, mais c’est une introspection aussi. C’est l’introduction, car ça introduit tous les thèmes que je vais aborder dans mon projet, mais également introspection, car je raconte mon vécu et ma vision des choses par rapports à ces thèmes-là. C’est pour ça que j’ai choisi de mélanger le titre, je ne voulais pas juste mettre introduction ou introspection, car les deux mots représentent vraiment au mieux le morceau.
 

 
Dans ce morceau, tu dis également la phase « Au plat pays il n’y a pas de force il n’y a pas d’union »…

En fait, je trouve qu’il y a une énorme différence entre la génération d’avant et l’actuelle. Je peux te citer Frenetik par exemple ou encore YG Pablo ou Smalho qui ont vraiment une autre façon de se supporter les uns les autres. Je ne dis pas qu’avant ça ne se faisait pas, mais il y avait plusieurs petits groupes qui faisaient de la bonne musique, mais il y avait un manque de partage et d’union entre eux. Il n’y avait pas vraiment de cohésion. Quand je fais l’observation de la nouvelle génération, je trouve qu’il y a vraiment une cohésion terrible entre eux et c’est certainement pour cela que ça marche encore mieux.

J’ai remarqué plusieurs phases en rapport avec la religion dans ton projet. Tu abordes également beaucoup les thèmes liés à la vie et à la mort. Peux-tu expliquer la place qu’à la religion dans ta vie et comment elle impacte ta musique ?

La religion a en effet une très grande place dans ma vie, déjà parce que je viens d’une famille catholique donc j’accorde beaucoup d’importance à Dieu par rapport à ma vie. Personnellement j’ai pris le chemin du protestantisme vers l’âge de 15-16 ans. Il y’a parfois une espèce de dualité entre mes choix et ceux de ma famille, mais ils ont finalement été bien pris par ceux-ci. La religion impacte ma musique dans le sens où j’essaye de garder les mêmes valeurs dedans, sans pour autant tomber dans du Gospel. Mais on peut très bien importer les valeurs de sa religion dans sa musique sans en faire du Gospel en tout cas pour le côté chrétien.

Dans ce projet, j’ai trouvé que tu te livrais assez facilement…

Ouais complètement ! Sur ce projet j’ai choisi de me livrer beaucoup plus, car j’ai remarqué que sur mes projets précédents je le faisais, mais de manière trop implicite.  Cette fois-ci j’ai vraiment voulu être dans la précision par rapport aux thèmes abordés. Je ne voulais plus mâcher mes mots.


J’ai parfois l’impression que tu te cherches encore toi-même, que tu te questionnes énormément sur tes origines ainsi que plein d’autres thèmes. J’aimerais bien savoir comment se passent tes sessions d’écritures.

Je n’ai pas vraiment des sessions d’écritures. Je suis quelqu’un qui pense énormément et j’écris beaucoup tout ce que je pense. Par rapport aux questionnements sur mes origines, j’ai dû quitter le Rwanda de force en 1994 à cause du génocide. On a été obligé de fuir avec ma famille et arriver dans un pays où tu ne connais personne, tu ne connais pas la langue, je n’avais jamais vu autant de Blancs de ma vie. Tout cela a rendu ma construction identitaire assez compliquée. En réalité, je suis dans une éternelle recherche identitaire et je me demande même si on finit par là trouver un jour.

Dans plusieurs morceaux, tu évoques le fait que tu aies dû quitter « de force » le Rwanda et que celui-ci te manque, mais que tu as peur d’y retourner. Peux-tu expliquer pourquoi ?

Ouais complètement, quand je dis que j’ai peur d’y retourner c’est parce que la dernière fois que j’y suis allé j’ai vu plein de choses pas très belles à voir. En plus quand j’ai quitté le pays ce n’était pas en mode OK notre avion décolle a 9h du matin, non au contraire c’était une fuite qui était organisée sur plusieurs jours. Et c’est dans ce sens-là que je dis que j’ai peur d’y retourner, je ne sais pas quel sentiment je vais avoir quand je vais y retourner. C’est quelque chose qui me fait flipper. Et c’est pour ça que dans le morceau « Le beau » je dis justement je fais le beau à Kinshasa, c’est parce que c’est le pays qui est frontalier au mien et j’ai moins peur d’aller là-bas que d’aller dans mon propre pays.

Arrivé à la fin de ton projet j’ai remarqué qu’il était relativement triste et sombre avec beaucoup de déception, de regrets, mais j’ai également pu ressentir une lueur d’espoir…

Moi je le vois plutôt comme quelque chose de lumineux. C’est vraiment pour montrer aux gens que dans la vie il y’a toujours des moments difficiles, mais tant que l’on continue à aller de l’avant et à mettre tous les moyens de notre côté pour que ça fonctionne, à un moment donné ça va fonctionner. Même si tu as 5 projets, il y’en a surement 3 qui vont fonctionner et les deux autres fonctionneront peut-être plus tard d’une autre manière à un moment où tu ne t’y attendras pas. Tant que tu bosses, ça va marcher et la clé de tout cela c’est la patience. À travers toutes mes déceptions, j’essaye d’aller de l’avant et de garder espoir. 

 

Quelque chose à rajouter ?

Quand j’ai dit que Post Scriptum était peut-être mon dernier projet, c’était aussi parce que je me suis lancé dans un projet d’écriture de roman. A suivre ! 

Propos recueillis par YG Noé