Milieu d’après-midi au festival de Dour. Dans une chaleur étouffante, Venlo performe sur la scène intimiste du Rockamadour, dans le cadre des FiftyFifty Sessions. Le show terminé, tout en recherchant de l’eau pour se réhydrater, il nous rejoint accompagné de toute sa clique : son manager, son beatmaker Dee Eye et son backeur Absolem, également rappeur. Affublé d’une vareuse Juventus, le longiligne Mc se pose pour prendre le temps de nous conter son début de carrière et ses ambitions.

Première étape, les présentations. Venlo à 22 ans, est originaire de Liège, et vient de sortir son premier EP « Sang Froid ». Comme beaucoup d’artistes de sa génération, il n’a pas spécialement été bercé par le hip hop et pioche dans diverses influences. « N’analyse pas Venlo son délire est personnel », chante-t-il dans Hiroshima. C’est en regardant les Rap Contenders, battles révélant une nouvelle vague d’artistes talentueux, qu’il a été poussé dans l’engrenage. Son attrait premier fut le rap technique, et Venlo érigeait alors Alpha Wann en idole rapologique. Il se fait les dents en kickant dans son école et rencontre le groupe Hesytap Squad, composé de Absolem et de Slyder. L’aventure peut commencer.

Venlo

Jeune liégeois monte sur la capitale

Si depuis deux ans le rap belge est décrit comme le vent de fraîcheur qui revigore la scène francophone, la loupe reste pointée sur la Capitale, laissant peu de place aux autres villes du plat pays : « En tant que ville, Liège n’est pas visible du tout. Il n’y a qu’un rappeur ou deux qui se sont fait un nom récemment, par exemple Le Dé ». Suivant ses études à Bruxelles, Venlo se situe entre deux mondes, l’un ouvrant tous les possibles, l’autre plus déserté : « au niveau des opportunités et des institutions, il y a beaucoup plus de concerts et de maisons de disques qui vont s’intéresser aux artistes de Bruxelles. C’est fort centralisé et c’est aussi pour ça que je suis monté ici. »

Caballero, JeanJass et Roméo Elvis, des artistes déjà implantés, ont partagé les clips de Venlo sur leurs réseaux sociaux récemment, une preuve que « la hype belge n’est pas raciste ». Que même si le succès commercial reste cantonné à une minorité d’artistes belges, la porte est entrouverte, il faudra juste la forcer un peu. Sans compter le privilège de la jeunesse dont le crew bénéficie : « On vient de passer la vingtaine donc on se dit qu’on a encore toute une vie devant nous pour réussir » optimise Absolem.

Le beatmaker Dee eye, une rencontre cruciale

Il y a des rencontres qui changent le destin. Celle avec Dee Eye, qui a composé 5 des 7 titres de l’EP en est une. Entre les deux compères, le feeling fait tout. Dee eye, assis à sa droite, revient sur la spontanéité de leur collaboration « On s’appréciait même en dehors de la musique, et quand il est venu faire du son, on s’est tout de suite trouvé. ». Avec une ancre à laquelle s’attacher, Venlo s’améliore, et ne pose plus que sur les prods de Dee « J’aime vraiment les mélodies qu’il utilise, mais il a surtout un talent pour cerner les gens. Il sait trouver ce qui doit être mis en valeur chez quelqu’un. ». Encore jeune, celui-ci est loin d’être un novice et a placé 3 prods sur le dernier album de Caballero & JeanJass, Double Hélice 3 (ALZ, Incroyaux et Bonne chance).

« Sang Froid » a été créé au feeling, sans qu’une direction artistique précise soit donnée. Reste que le tout est cohérent, grâce à l’alchimie entre les deux principaux protagonistes. Venlo nous ballade au gré de ses humeurs, entre mélancolie et ambition, le tout servi par les nappes enivrantes de Dee eye. Le Liégeois a maintenant digéré ses influences et « préfère laisser une place aux émotions, parce que les schémas trop techniques peuvent mettre une barrière avec l’auditeur. ».  

La suite, c’est donc un vrai projet commun : « on l’a travaillé comme un produit entier au niveau des thèmes et des sonorités, avec une place déterminante pour le beatmaker ». L’objectif : continuer d’installer une identité. Quand on parle du fait que le rap francophone se soit décomplexé, Venlo acquiesce et nous glisse n’avoir aucun problème à faire des morceaux dits de fragiles : « T’inquiète pas on va fragiliser tout le monde (rires) ! ».                      

                                                                                                                     Simon Virot