Nos yeux s’émerveilleront devant la coupe du monde qui s’organise dans le pays du football au Brésil. Des joueurs comme Ronaldinho, Eden Hazard ou Cristiano Ronaldo ont réinventé le football avec leurs gestes et rendent à ce sport ses lettres de noblesse. Mais le freestyle est avant tout un sport à part entière. Alohanews est allé à la rencontre de Mohamed Reda Bouassab aka M10. Ce freestyler belge nous a partagé la passion de son sport qui mêle travail et esthétique. Il nous a fait part de son expérience et des difficultés qu’a le freestyle à être reconnu comme discipline majeure. Rencontre.
Est-ce que tu peux te présenter auprès des personnes qui ne te connaissent pas ?
Je m’appelle Mohamed Reda Bouassab. J’ai 20 ans. Dans le domaine du freestyle et du panna (compétitions de petits ponts), on me surnomme M10. J’ai commencé le streetsoccer quand j’avais quatorze ans et le freestyle il y a maintenant plus de deux ans. Je suis membre de la Freestyle Akkademy. C’est un groupe qui existe déjà depuis des années. Nous voyageons ensemble. Nous avons vécu beaucoup d’aventures ensemble comme Belgium’s got talent. Nous sommes arrivés en demi-finale. A côté de cela, je suis encore étudiant à l’Université. Le streetsoccer et le freestyle sont mes passions.
Justement, tu as parlé de la Freestyle Akkademy. Comment s’est créé ce crew ?
Ce groupe-là existe déjà depuis des années. Je n’étais pas encore dans ce groupe lors de sa création. Ce sont Elias et Sofiane (Bencok) qui se sont rencontrés et ont été les artificiers de ce groupe. Ils regardaient des vidéos et ont commencé à s’entraîner ensemble. Je les ai rejoints en 2012. Nous avons fait un grand show ensemble et depuis l’aventure continue.
La freestyle Akkademy ne se cantonne pas qu’à faire du simple freestyle. Elle met en scène des spectacles qui racontent une histoire. Comment vous est venue de mettre en place ces shows ?
A la base, quand on nous sollicite pour faire du freestyle « pur ». On ne s’en tient qu’à nos performances techniques. Mais lorsque nous participons à des émissions comme Belgium’s got talent, nous essayons de satisfaire un public plus large qui n’est pas forcément adepte du freestyle. L’idée de la mise en scène nous est venue quand nous avons participé à notre premier grand show. C’était lors d’une compétition de danse. Nous avons voulu nous adapter à la compétition en ajoutant des mouvements de breakdance dans notre performance.
Quand nous sommes arrivés à Belgium’s got talent (voir vidéo), nous avons vu qu’il y avait énormément de talents et nous voulions montrer que nous étions capables de rivaliser avec ce qu’ils faisaient. Un des membres du groupe (Leamssi) a une très belle voix. Il a fait un passage de chant dans notre show de manière humoristique. Nous avons voulu montrer aussi que nous pouvions faire aussi de la danse. Notamment, le passage où Elias et Leamssi font le mouvement de la coupole (mouvement de breakdance). Sofiane Bencok faisait un flick arrière. Nous essayons de rendre nos shows les plus esthétiques possibles.
Comme tu l’as souligné, l’année dernière vous avez participé à Belgium’s got talent. Vous êtes arrivés jusqu’en demi-finale. Quels enseignements tires-tu de cette expérience ?
Elle m’a vraiment apporté beaucoup de choses. C’est une grande expérience par rapport au show en lui-même. Cela nous a appris à avoir une meilleure discipline. Cela nous a aussi appris à mieux gérer le stress. Cela nous a également appris à travailler quotidiennement vu que nous n’avions pas beaucoup de temps pour préparer nos passages. Cette aventure a permis de resserrer les liens dans le groupe.
Cela vous a permis de vous professionnaliser en quelque sorte ?
En quelque sorte, oui. Certains membres du groupe sont professionnels depuis longtemps. Ce n’est pas toujours facile de faire des shows. Nous étions sept et pour coordonner et mettre en place une mise en scène, ce n’est pas toujours aisé. Cela nous a aussi appris à connaître le monde de la télévision. Nous avions déjà fait pas mal de choses pour des émissions mais jamais en groupe.
Nous utilisons le ballon mais dans un but différent
Toi qui fais du streetsoccer et qui a comme spécialité le panna, que réponds-tu aux personnes qui disent que le streetsoccer est un art mineur ?
Beaucoup de personnes en voyant du freestyle ou du streetsoccer disent que cela ne sert à rien dans un terrain de football. Beaucoup de personnes dans le milieu du football affirment cela. Cela me fait sourire à la fois et me fatigue. Ce sont deux sports totalement différents ! C’est comme si quelqu’un faisait des tours de magie avec des cartes et qu’un joueur de poker l’interromprait en lui disant que cela ne sert à rien dans le poker. Ce sont deux disciplines totalement différentes. Les deux utilisent des cartes mais pas dans le même but. C’est pareil pour le freestyle. Nous utilisons le ballon mais dans un but différent.
Est-ce que personnellement, tu as déjà eu une expérience footballistique ?
Je n’ai jamais joué sur un grand terrain. J’ai déjà joué au futsal, à Mouscron et à Bruxelles quand j’étais plus jeune. J’ai toujours aimé le futsal mais je n’y joue plus aujourd’hui parce qu’entre le freestyle et l’université, je n’ai plus vraiment le temps. Par contre le grand terrain, j’aime le regarder mais je n’ai jamais aimé le pratiquer.
Nous avons pu voir que la Belgique a de jeunes talents dans le streetsoccer notamment dans la Freestyle Akkademy où vous avez des pointures comme Leamssi et Sofiane Bencok qui ont été champions d’Europe l’un et l’autre. Est-ce que les Belges sont reconnus dans le monde du streetsoccer ?
Sofiane Bencok a gagné de nombreux tournois européens. Leamssi a aussi remporté un tournoi européen à Rotterdam. Le meilleur streetsoccer dans le monde se trouve en Belgique. Il y a quelques années, les Pays-Bas étaient vraiment au-dessus. Mais aujourd’hui, la Belgique et les Pays-Bas font jeu égal. Aujourd’hui, je pense même qu’il y a beaucoup plus de talents en Belgique qu’ailleurs.
Bien évidemment, il reste des légendes du streetsoccer aux Pays-Bas. Le monde entier regarde ce qui se fait en Belgique. D’ailleurs, nous avons un des meilleurs tournois au monde en Belgique qui est l’Electrabel Street Heroes. C’est un tournoi qui s’organise dans quatorze villes cette année. Il y a des tournois de quartier dans chaque ville qui font office de présélections. Une fois que tu t’es qualifié dans un tournoi de quartier, tu peux accéder à la finale de la ville. Et enfin si tu gagnes le tournoi de ta ville, tu accèdes à la finale belge. Il y a beaucoup de talents. Les jeunes ont vraiment évolué.
Toi-même, tu as participé en juillet dernier à l’European Street Cup à Esbjerg au Danemark. Comment as-tu vécu ta première compétition internationale majeure ?
C’est l’une de mes plus belles expériences. C’était vraiment une belle compétition. Il y avait un bon esprit. C’était au Danemark à Esbjerg. C’est un petit village dans la campagne danoise. A ce moment-là, il y avait un grand festival qui tournait autour du sport. Il y avait beaucoup de monde. Il y avait de grosses pointures qui représentaient l’Europe. J’ai représenté la Belgique dans ce tournoi. Au 2 vs 2 je suis arrivé en demi-finale. Nous avons perdu en demi-finale contre Sofiane (Bencok) et Leamssi.
Un duel belgo-belge.
Il faut savoir que dans la compétition du 2 vs 2, nous avons commencé avec tous les pays. Les pays représentés étaient les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Allemagne, la Pologne, la Hongrie, le Danemark, la Suède, l’Espagne et la France. Mais les deux demi-finales n’étaient composées que de Belges. Nous avons éliminé tout le monde.
Ensuite au 1 vs 1, je me suis directement qualifié pour le Top 16 sans trop de difficulté. Mais mon premier tour de Top 16 était face à Jeand Doest, le Hollandais, qui est un des freestylers les plus talentueux du monde. J’ai perdu 2 à 1. C’était serré. C’est vraiment un grand talent et il a un style à lui. J’espérais beaucoup mieux. Et enfin, pour le 4 vs 4, je me suis blessé. Je n’ai donc pas pu y participer. Mon équipe est arrivée en finale et s’est inclinée face aux Pays-Bas. La prochaine édition commence le 19 juin et se déroulera à Bruxelles. J’espère que nous ferons quelque chose dans notre pays.
Est-ce que le streetsoccer et le freestyle attirent le monde télévisuel parce que le nerf de la guerre, c’est la visibilité?
Honnêtement, oui. Mais le monde télévisuel et publicitaire sont plus portés sur le freestyle que le streetsoccer. Pour ne prendre que pour illustration, le plus grand sponsor de freestyle est Redbull. Nous savons que Redbull est partout à la TV et qu’il sponsorise les sports dits extrêmes. Et si un sponsor comme celui-ci s’intéresse à notre sport, c’est qu’il y a du potentiel. Les shows internationaux sont retransmis dans des chaînes sportives spécialisées. Avec la coupe du monde de football, beaucoup d’entreprises qui font de la promotion font appel à nos services.
C’est comme tout art, il est difficile de percer dans le freestyle comme dans le chant ou la danse
Est-ce qu’il est possible de faire de son métier le streetsoccer ?
Ce n’est pas à la portée de tout le monde. Néanmoins, il existe des personnes qui ont fait du freestyle et du streetsoccer leur métier. Quand on regarde le freestyler français Sean Garnier, champion du monde 2008, il a créé sa société (S3 freestyle ball) qui prend des freestylers sous son aile. C’est une société artistique. C’est comme tout art, il est difficile de percer dans le freestyle comme dans le chant ou la danse.
Tu as quitté la Belgique pour t’exiler quelques mois en Australie. Est-ce que tu voulais t’essayer au rugby ?
Peut-être… (rires) Non, plus sérieusement j’avais décidé de faire une pause dans ma vie en Belgique pour m’envoler vers l’Australie. Je trouve que c’est un pays magnifique. Je voulais découvrir et avoir une opportunité d’améliorer mon freestyle loin de tout. J’ai réussi à vivre que de mon freestyle via des démonstrations que j’ai faites un peu partout en Australie. C’est la plus belle expérience de ma vie jusqu’à aujourd’hui.
Est-ce qu’il y a une culture du freestyle en Australie ?
L’Australie est un très grand pays qui a une superficie trois fois plus grande que l’Europe. L’Australie ne compte qu’une vingtaine de freestylers dans tout le pays. C’est très peu. Le freestyle n’est pas très populaire là-bas. Le football classique n’est déjà pas populaire, le freestyle encore moins. Cela a un avantage car les personnes sont agréablement surprises quand elles assistent à nos performances. Il n’y a pas de culture du freestyle et c’était un honneur et un plaisir de faire découvrir cette discipline.
En Australie, tu as figuré dans un clip d’un groupe australien, Vaudeville Smash qui rendait hommage à Zinédine Zidane. Le clip a fait un buzz avec plus de 500.000 vues. Comment s’est faite la connexion ?
Je suis vraiment content que la vidéo ait fait un buzz. Je suis aussi content d’avoir participé à ce clip (voir le clip). Comment les connexions se sont faites ? J’ai un ami que j’ai rencontré qui s’appelle Karl Faraj. C’est un freestyler australien. Les personnes qui réalisaient le clip ont eu l’idée quand ils ont vu une vidéo de Karl de le faire figurer sur leur clip. Karl leur a parlé de moi et quand les réalisateurs ont vu mes vidéos, ils m’ont directement contacté. C’était beaucoup de travail et je suis satisfait du résultat.
Nous sommes à J-1 du mondial. Un pronostic ?
Je pense que la Belgique a vraiment une très bonne équipe. Je pense qu’elle se sortira facilement de son groupe qui est largement à sa portée. A mon avis, je pense qu’elle peut arriver jusqu’en demi-finale. Nous verrons bien.
Est-ce que tu as des projets à venir ?
J’ai pas mal de projets dont certains doivent encore rester confidentiels. J’espère qu’ils vont se réaliser. Il y a l’European Street Cup qui arrive le 19 juin. Je m’entraîne pour être à la hauteur. La compétition aura une saveur particulière vu qu’elle se fera en Belgique cette fois-ci. Pour le 2 vs 2, j’espère au moins arriver en demi-finale comme l’année passée. Le niveau va être très fort cette édition. Préparez-vous pour les vidéos, ce sera incroyable. Tous les talents d’Europe répondront présents.
Un dernier mot pour Alohanews ?
J’espère le meilleur pour vous et j’espère que l’on se reverra bientôt. Pourquoi pas une autre interview après l’European Street Cup ? On se reverra bientôt, peace à vous.
Pour avoir plus d’informations sur l’European Street Cup : Cliquez ici
Propos recueillis par Mouâd Salhi