Y’a-t-il un féminisme ou des féminismes ? C’est l’une des questions abordées avec Françoise Vergès, politologue française, lors de notre rencontre à Paris. Selon son analyse, il y aurait en France « Un » féminisme qui se présenterait comme « Le » féminisme universel, autrement dit le féminisme de tout le monde. Ce féminisme hégémonique et dominateur contre lequel doivent se soulever les autres féminismes est un féminisme qui se bat pour des privilèges de la suprématie blanche.

Mais avant d’aller plus loin, nous avons posé une seconde question : qu’en est-il de la définition du féminisme pour Françoise Vergès ?

Politologue et titulaire de la chaire «Global South(s)» à la Maison des sciences de l’Homme à Paris, elle est également auteure du livre le Ventre des femmes (Albin Michel) où elle revient sur le scandale qui a frappé la Réunion, où des centaines de femmes se sont faites avortées ou stérilisées de force.

L’idée que certains se font du féminisme se résume à une lutte effrénée pour l’égalité, cependant Françoise Vergès rappelle durant notre échange qu’un féminisme a soutenu la colonisation. Dès le 15e siècle, des femmes ont pu bénéficier des mêmes privilèges que les hommes à savoir, posséder des êtres humains ; des esclaves. Pourtant privées du droit d’être notaires, d’être professeurs ou médecins.

Ainsi l’experte pose la question : L’égalité, oui, mais dans quel système ??

Pour Françoise Vergès, le rêve féministe est la lutte pour la libération et la justice sociale. C’est un féminisme antiraciste, anti-capitaliste et anti-impérialiste. Il ne s’agit donc pas uniquement d’une histoire de droits des femmes.

Dans ces débats autour du féminisme, le processus de racisation est évoqué. Françoise Vergès rappelle qu’après la Seconde Guerre mondiale , il y a eu une condamnation du racisme biologique. Après la période nazie, l’Occident était d’accord pour condamner celui-çi et cela s’est fait ressentir aussi dans le vocabulaire raciste et colonial qui ne sera plus utilisé. Le monde assistera à la naissance d’  « un racisme sans race », explique Françoise Vergès. Ainsi le racisme aura pour base non plus la biologie, mais la culture. Débute ainsi un processus de racisation indispensable pour le capitalisme qui a besoin de prendre en otage des groupes de personnes, pour ensuite justifier les oppressions et les exploitations. En conclusion, Françoise Vergès nous rappelle à quel point il est important de décoloniser le féminisme et de repolitiser aussi le féminisme.

Processus de racisation, féministe , conséquences de la colonisation sur les femmes colonisées et descendantes de colonisés, les hommes peuvent-ils être féministes ? Autant de questions abordées nous permettant de mieux comprendre. Sans plus tarder, découvrez notre entretien avec Françoise Vergès.