La ville de Verviers a longtemps été connue pour des mésaventures liées au terrorisme. Aujourd’hui, les Verviétois peuvent au moins se gargariser d’avoir un artiste qui monte petit à petit les escaliers du show-business. Il s’appelle Green Montana, 25 ans, et son objectif est de faire « turn-up » campagnes et métropoles. Rencontre avec le jeune rappeur belge qui vient de sortir son nouveau projet intitulé « Orange Métallique ».

Automne à Bruxelles. Nous avons rendez-vous avec Green Montana à la Gare du Midi. Arrivés sur place, on s’aperçoit que le rookie n’est pas venu seul. Son manager Stan et une amie accompagnent le MC. Petit café serré pour ma part pour donner du ton à notre échange et la discussion peut commencer. En face de moi, je découvre un jeune métis à la notoriété naissante, souriant et offrant des rires qui cachent une certaine timidité. Pour l’étymologie du nom, Green Montana est une ode à la fois au cannabis (Green) et au groupe du rappeur appelé Montana. À l’heure où j’écris ces lignes, le groupe est dissous, mais le Verviétois avait décidé de garder le nom. Ce n’est pas un hasard puisque c’est avec ce posse que Green Montana a commencé son parcours artistique professionnel. « J’ai commencé seul, en cachette », explique ce dernier avant de rejoindre le clan Montana.

Green Montana
© Jabjah Prod

À l’ombre du show-business

De Verviers, il n’était pas évident de se lancer dans l’aventure musicale. Cette ville de 285 000 habitants n’est pas très loin de la capitale. Cependant, quand on parle de rap belge, on parle du rap bruxellois au fond. Et puis ce n’est pas nouveau, les capitales ont toujours été le fief du show-business et le terrain propice à la prolifération des rappeurs. « Ici, les gens écoutent du rap qui vient de la capitale », explique Green Montana. Cependant, loin d’être défaitiste, ce dernier n’a eu qu’une solution face à ces freins territoriaux : venir à Bruxelles.

 

À Bx, Green rencontre Stan, manager d’Isha. Le courant passe et les deux gaillards décident de bosser ensemble. « Je crois que tout le monde a besoin d’être bien entouré pour développer sa musique, savoir où aller. Il était là bien avant moi. Il me conseille et me dit quand quelque chose ne va pas », raconte Green Montana. Stan, attablé devant son café brûlant, nous explique sa rencontre :

« C’est Isha qui l’a découvert. Il m’a appelé en disant qu’il avait trouvé un gars super fort. J’ai découvert Green Montana avec quelques morceaux et je me suis directement dit qu’il était possible de faire quelque chose ». Alors, un featuring avec Isha est prévu ? « Une évidence » selon le manager. Pour Green Montana, Isha est un exemple pour sa réussite. « Ça me met en confiance, il me donne des conseils », confie-t-il.

Rap et tabous

Pour le moment, une poignée de clips sont déjà dans la nature. Une thématique est présente dans son univers : la weed. « Je crois que la « beuh » me permet de créer des morceaux. Je ne veux pas remettre tout ça sur la weed, mais ça m’aide à me concentrer », explique Green Montana, clope au bec. « Si j’arrête de fumer demain, ma musique ne serait plus pareille », poursuit le rappeur. « Déjà, je ne parlerai plus de drogue. La marijuana aura toujours une place dans mon coeur ». Une chose est sûre, « la weed de Verviers est meilleure », selon GM. Au-delà de la verte, le rap permet à Green Montana d’exprimer le tabou. « Ce que je ne pourrais pas dire en rue, je le dis dans le rap », explique le rappeur.

Le seul tabou qu’il s’octroie et qu’il ne dévoilera pas, c’est son intimité : « Je fais du divertissement. Je n’ai pas besoin, ni l’envie de parler de mon intimité. Je n’en parlerai jamais. Je suis trop pudique pour ça. Je veux juste casser des codes, de faire kiffer les gens ».

© Jabjah Prod

Les derniers clips – « Briquet » et « Rester diner » réalisés par To The Moon – se démarquent de ses anciennes prouesses par un visuel léché ainsi qu’une attitude débonnaire remarquée. « Il faut faire attention à l’image. Elle accompagne la musique. Le personnage doit suivre également puisque les gens aiment voir ceux qu’ils écoutent. Ta musique peut ne pas plaire à cause de ta tête, je crois. Beaucoup de personnes n’arrivent pas à réussir parce que leur tête ne plait pas alors que leur musique est superbe. Parfois, je dirais même que le visuel est bien plus important que la musique. »

Le rap belge, une solidarité sans faille ?

Durant deux ans, les rappeurs belges ont été assimilés à un corpus monolithique où les acteurs étaient les chantres de la solidarité et de l’union. Les médias ont joué un grand rôle en construisant ce caractère romantique d’une culture musicale qui n’a qu’une vocation : être soudé. La réalité est toute autre. D’une part, selon Green Montana, le public belge est parfois fébrile pour soutenir des artistes locaux. « Par rapport à la France, ici c’est complètement différent. J’ai le sentiment que les gens ne te portent pas. À Verviers, peu de gens croient en nous qu’on peut franchir des paliers. Ils n’ont donc pas envie de donner de la force. Je vois que les gens qui m’écoutent en streaming sont majoritairement des Français (83%). Je crois que les Belges sont moins curieux de ce qui se passe ici ou alors ils attendent vraiment qu’on en parle partout, que ce soit un gros phénomène. »

 

En ce qui concerne le milieu des rappeurs en Belgique, Green Montana parle de « cercle fermé ». « Le cercle est fermé parce qu’ils le ferment, mais en soi, rien n’est fermé. J’ai l’impression qu’ils choisissent qui rentre dans le cercle. Après, si tu fais de la bonne musique et que tu as une bonne promo, tu passeras entre les mailles du filet ».

Le café serré siroté, j’arrête le magnétophone en suivant de près les derniers mots de Green Montana. L’addition réglée, je continue à poser quelques questions banales pour garder la chaleur de la conversation :

  • Tu vas faire quoi maintenant ?
  • J’ai froid et j’ai envie de fumer un gros joint.

Propos recueillis par Nikita Imambajev