Cela fait maintenant quelques années que la scène belge se fraye un chemin dans le rap francophone. Un constat qui se vérifie ne serait ce par des détails comme l’expression nonante qui s’est allègrement insérée dans le langage des Français. Mais surtout par les têtes de gondoles comme Damso, Hamza ou Roméo Elvis. Parmi ces Belges, le rappeur ISHA devient l’une des figures de proue en offrant une quasi-parfaite trilogie d’albums. Son succès il le doit entre autres à ses acolytes Jean Jass et Caballero qui  le feront passer de l’ombre à la lumière en l’emmenant avec eux sur le champ de bataille. Maintenant que son audience est d’une masse plus élevée, le rappeur est bien décidé à reproduire le même schéma de son côté. ISHA apporte tout son soutien à Green Montana depuis quelques années déjà, mais ne compte pas s’en arrêter là. En toute logique, il continue dans sa lancée en collaborant avec le rappeur Bakari sur le titre Ailleurs. Une bien belle porte d’entrée dans l’univers d’un rappeur dont il reste encore tout à apprendre.

 

Bruxelles n’a plus grand chose à prouver. Nombreux sont les rappeurs en provenance de la capitale. Mais cette dernière doit commencer à s’inquiéter, car Liège vient lui causer du tort. Bakari en est un bel exemple. Originaire du Burundi et né au Congo, il arrive en Belgique à l’âge de 7 ans dans le berceau de l’Europe. Pour lui, le rap a pris sens en écoutant Booba ou encore 50 cent. Cela le pousse à écrire son histoire qui débute de la même manière que beaucoup d’autres. Il se met à rapper avec quelques amis de son quartier, écrit de temps en temps pour ses potes à la manière d’un ghostwriter. Puis dans son élan, il forme en 2016 le groupe Nü Pi en duo avec Obee. À ce jour, il ne reste que très peu de trace musicale sur l’internet hormis le titre Waza nous laissant croire qu’ils se sont entraînés à débiter des lignes sans s’accorder une seconde d’oxygène. ne voulant pas délaisser cette énergie, Bakari tracera sa propre route dans une carrière solo en 2017 pour donner naissance à son premier EP l’année suivante, Kaleidoscope.

Ce projet est celui qui actionnera les roues de l’engrenage. Car si Nü Pi était connu dans un cercle exigu d’adepte , Bakari  se résout à faire ses preuves sans l’aide de personne et s’exposer à toute la sphère francophone. Composé de sept titres, l’EP fait office de carte de visite aux traits disparates. Tel un kaléidoscope nous confrontant à une multitude de perspectives visuelles, le rappeur répand plusieurs arômes. Des variations entre des instrumentales aux patterns de Roland-808 puis des balades à la guitare sèche qui viennent nous déstabiliser. De même sur les vocales alternant entre chant et phrasé brut. S’il effectue une entrée en grande pompe dans Que du gang, Bakari incorpore une texture liquoreuse sur À l’époque et Miséreux, deux titres remplis de nostalgie, sur sa vie au Congo, mais également en hommage au goudron fumeux de Liège. Le rappeur aime parler du décor dans lequel il évolue. Celui qu’il aime autant qu’il déteste. Les acteurs de cette pièce sont également mis à l’honneur : les hommes véreux qui répandent leur venin, mais également les sages qui ont permis à Bakari de grandir. Car pour lui, décrire ce qui l’entoure sonne comme une évidence. “Du sang sur le pavé, un shlass dans les buissons”nous rappelle-t-il, nostalgique d’une époque perdue à jamais. Celle où il tenait les murs et jouait au foot après les cours. Ses parents, ses amis, les traîtres ont tous une importance dans ce récit. Kaleidoscope est alors un beau descriptif de l’homme et ce dont il est capable.

 

Conscient de son timbre singulier, Bakari se dirige peu à peu vers le chant. Dans un premier temps, on le constate de par ses sessions live comme sur Tarmac où il s’entoure d’un live band, mais également et surtout par les premiers morceaux extraits son prochain projet. Après une signature sur le label de Frank Luckaz, O To Ten Music, le rappeur dévoile Mélodie et Ailleurs montrant un désire d’offrir des titres cantabiles. Le rappeur enchaîne les top lines prêtes à se graver dans notre crâne. Il qualifie son style de Rap&Blues pour souligner ce flirte entre douceur et acrimonie. Si aucune date n’a été communiquée quant à la sortie prochaine du projet, Bakari semble être sur la bonne voie pour devenir l’une des nouvelles têtes d’affiche du rap francophone et enfin pouvoir vivre de sa mélodie comme il se doit.

Axel Bodin