Quelques mois après la sortie de son dernier projet Preach Drill, Cinco revient avec son nouvel album Sacrifices ce vendredi 4 février. A cette occasion, le rappeur du 94 est revenu sur ses valeurs, son rapport au public et surtout sur sa musique lors de cet entretien accordé à Alohanews.

Un thème revient beaucoup tout au long de l’album, c’est le respect. On sent que tu y accordes une grande importance, tu en parles même dans ton freestyle Booska Sacrifices :”Tu es respecté, tu restes. Pas de respect, va-t’en.”. 

C’est très important que l’on respecte ma musique. Tu peux ne pas m’aimer, mais respecte ma musique. Je peux rigoler sur tout, mais pas sur ma musique. Par exemple, j’ai fait un featuring avec Franglish, alors que moi je ne lui ai rien apporté, ou en tous cas moins que ce que lui m’a apporté. Mais pourquoi il l’a fait ce featuring alors ? Parce qu’il a respecté ma musique. Lui et moi, on ne se connaît pas, on n’a pas grandi ensemble. Cependant, un jour, ma musique lui a parlé et sa musique m’a parlé. On a donc décidé de mélanger nos énergies. Et c’est beau ça, il faut le respecter. 
 

 

J’ai remarqué que ta musique divise le public. C’est soit on aime à fond, soit on n’aime pas… 

Ouais, moi c’est ça. Avec moi, généralement, soit tu kiffes hardcore, soit tu kiffes pas du tout. Soit on me défend corps et âme :”Nan, vous avez pas compris, vous êtes en retard.”, soit on me dit “C’est nul !”. Si tu kiffes pas à mort, tu peux pas écouter Cinco.

Est-ce que tu comprends que ta musique puisse être clivante ? 

Oui, et c’est bien ! Parce qu’au bout d’un moment, tu vas choper tout le monde, ne t’inquiète pas. Je te le jure, ça marche comme ça. Tu sais, Jul, par exemple, quand il est arrivé, combien l’ont critiqué ? Moi, je n’ai pas critiqué, mais je n’aimais pas. Pour moi, il ne respectait pas les codes du rap. Et un jour, mon pote est parti en prison, j’étais triste et j’ai écouté un son de Jul qui s’appelle Vis mon malheur. Et là, j’ai compris. Je me suis dit : “Oh il veut me faire pleurer ou quoi ?” [Rires.] Ce titre m’a fait me pencher sur l’artiste.

Les gens se penchent rarement sur ta musique, ils préfèrent suivre l’effet de groupe. Jul m’a attrapé sur ce son, j’ai écouté ses autres titres et j’ai compris qu’il était fort. C’est la même chose pour PNL, certains prétendaient que ce n’était pas le feu alors que ceux-ci écoutaient des artistes du même genre au niveau des rythmes comme Bryson Tiller ou Jhene Aiko. Alors que c’était le feu, frère ! Ils m’ont aussi attrapé sur certains sons. Moi aussi je vais t’attraper, ne t’inquiète pas.

J’ai l’impression que tu fais partie de cette catégorie d’artistes pour lesquels il faut du temps pour que le public comprenne là où tu veux les emmener..

C’est juste une question de mentale. J’ai sorti des projets avec des bêtes de sons. Ça n’a pas fonctionné, mais tranquille. Même là, avec la sortie de Sacrifices, si le projet fonctionne tant mieux, s’il ne fonctionne pas, c’est pas grave, je réessaierai jusqu’à ce que cela fonctionne. J’ai un mental de bâtard, et je suis mentaliste aussi. Mes gars aussi sont déterminés. Notre seul but, c’est de réussir. Il n’y a pas d’autres options. La seule option, c’est la réussite. 
 

 

Est-ce que tu as une jauge de réussite ? Un seuil au-delà duquel tu estimeras avoir réussi ?

Le jour où je ne pourrai plus aller à la boulangerie tranquillement, là ce sera hardcore. Sinon pour l’instant, je suis tranquille. Là en vrai, je recommence à zéro parce que j’ai eu des problèmes ainsi que des bonnes choses comme l’arrivée de ma fille, c’est le feu ! [Rires.] C’est Dieu qui donne.

Là je repars de zéro, donc j’espère juste que le projet soit bien reçu pour que je puisse bien repartir. Dans mon mindset, je sais que ça va être la folie après. Je vais devenir fou, comme quand j’ai commencé le son. Pendant un moment, j’ai perdu en folie et en productivité parce que je n’y arrivais plus. Là je suis bien, j’écris de bons sons. Je n’écris plus pour rien, là quand j’écris, je sais que ça va taper.

Dans une ancienne interview, t’avais parlé de l’influence qu’avait eu le rap US sur toi, notamment via Lil Wayne. Est-ce qu’il y a des artistes actuels des States qui ont un impact sur toi en tant qu’auditeur ou qui ont un impact sur la manière dont tu construis tes sons ?

Avant, j’étais un rappeur qui articulait. En 2017/2018, j’écoutais beaucoup d’artistes comme Migos ou Johnny Cinco qui n’ouvraient pas beaucoup la bouche dans leurs sons. C’est pour ça que j’ai commencé à faire du mumble rap. Ce sont les derniers artistes chez qui j’ai pioché, que ce soit en termes d’ambiances ou de flow. Il n’y en a plus eu depuis.

Est-ce que, dans ton processus de création, l’adlib est aussi important que le couplet ?

Ouais, c’est important. Avant, je les calais n’importe comment. Maintenant, c’est devenu encore plus important dans ma musique. Je les écris dans mes textes maintenant. Parce qu’en combinant une voix atypique et un certain type d’ambiances, on t’identifie plus facilement. Quand je dis « Parce que tout ce qui est petit est mignon, et tout ce qui est gros est effrayant. » ou que je crie « Kubi », les gens savent que c’est moi. C’est beau. 

 

Est-ce qu’il y a un adlib que tu affectionnes particulièrement ?

« Kubi », c’est le nom de mon chien à la base. Je criais ça quand il était loin pour le faire revenir. Ça vient de mon titre Kubilai Khan dont l’idée m’était venue après avoir kiffé sur la série qui lui était consacrée sur Netflix. J’ai donc appelé mon chien comme ça, et c’est devenu une de mes ambiances. Il y en a beaucoup d’autres, j’ai trop d’ambiances en fait. « Kimpi », ça veut dire que ça va être la folie. Comme si elle venait te frapper d’un coup. Quand dans ma phrase, je dis une dinguerie, il faut un adlib pour la rendre encore plus forte. Ma nouvelle ambiance c’est « And again », vous allez beaucoup l’entendre cette année.

Propos recueillis par N. Imambajev & Y. Basbas