La scène du rap français se renouvelle sans cesse et FK fait partie de la nouvelle génération bourrée de talent et aux influences diverses. L’artiste nantais nous a accordé une interview le jour de la sortie de son deuxième projet « Purple Kemet 2 ». Détendu et non sans manquer d’humour, FK nous a entre autres parlé de son attrait pour l’Égypte ancienne et de son rapport à la mort. Pour couronner le tout, il s’inscrit dans la lignée de notre média comme en atteste son morceau intitulé « Aloha ». Rencontre.
Bonjour FK, tu sors aujourd’hui ton deuxième EP « Purple Kemet 2 ». Ton style est très varié. Il y a des sons où tu kickes plus comme « Asso », des sons avec des influences caribéennes comme « Mamacita », des sons plus afros avec « TMC 225 », etc. Quand j’écoute ton style, je me demande : par qui est-il influencé pour être autant varié ?
Tu vois ma musique est vraiment à l’image de mon écoute, c’est-à-dire qu’elle est diversifiée. Je suis hyper éclectique dans ce que j’écoute. Demain je peux écouter de la pop anglaise, je peux écouter de la dance-hall, après je repars sur de la funk brésilienne. Tu sais, j’écoute vraiment de tout, dans mon IPhone tu peux tout trouver ! Tu sais, des fois je retrouve mes shazams j’ai l’impression que j’étais bourré j’te jure. J’me dis « Put*** j’ai jamais shazam ça moi ! ». Je suis un shazameur compulsif (rires). Et voilà j’essaie de faire en sorte que l’éclectisme que j’ai dans mon écoute reste dans la musique que je produis.
J’ai vu que depuis tout petit tu as été bercé par la musique. Je pense que c’est ton père et tes sœurs qui étaient musiciens ou chanteurs. Est-ce que ça joue sur ta musique aujourd’hui ?
Carrément ! Mon père aimait la guitare. Il pouvait écouter de la guitare avec Joe Cocker autant qu’il pouvait en écouter après sur un morceau de coupé décalé. C’est-à-dire que je l’entendais dans toutes les versions possibles. Si t’n’aimes pas la guitare ne vient pas chez moi (rires) ! Du coup, c’était kiffant, car j’apprenais plein de styles musicaux différents. Après, ma sœur m’a orienté vers le rap via ses potes. Du coup c’est parti de là et j’ai pu commencer puisque c’est l’ancienne génération. Tu vois je te parle de ça, mais ma sœur approche de la quarantaine donc c’était dans les débuts, Kriss Kross tout ça. Je mettais des sapes à l’envers, j’ai pu reprendre le rap à la base et faire tout l’apprentissage de la musique hip hop et urbaine. Donc c’est pour ça que le truc est structuré au niveau de la musicalité.
Tu as un morceau qui s’appelle « Sortir du jour » qui veut dire mourir en égyptien ancien et je me suis demandé comment un jeune comme toi en est arrivé à parler de la mort ? Qu’est-ce qui t’a inspiré ce morceau et quel est ton rapport avec la mort ?
Autour de moi il y a des gens qui tombent en prison, il y a des gens qui meurent, il y a plein de choses. Je viens d’un pays où il y a certains conflits, je viens de la Côte d’Ivoire. Je sais qu’en période d’élections il y a beaucoup de choses qui s’y passent. Donc il y a cette question-là de savoir « Quand je vais partir, vais-je laisser quelque chose ? ». Mes parents vieillissent aussi donc forcément je pense à leur mort. Les gens avec qui je m’entends bien évidemment je vais penser à leur mort, ce qui va leur arriver de bien ou de mal. En fait c’est l’interrogation typique d’un jeune sur la mort : qu’est- ce qui s’y passe après ? C’est pour ça que le morceau n’est pas un morceau moralisateur. C’est-à-dire qu’il est vraiment à l’image de comment je le ressens. C’est « Sortir du jour », l’expression est là. Demain tu n’es pas là, le soleil se lève quand même, toi t’es juste sorti du jour, voilà. Et la vie continue !
Les groupies ont deux sexes
D’ailleurs, on ressent ton attirance pour l’Égypte ancienne via par exemple le son « Pharaon » dans ton précédent EP ou l’utilisation du mot Kemet dans ton album (l’expression « Sortir du jour » aussi). D’où te vient cet attrait ?
En fait c’est assez paradoxal parce que je n’aime pas l’école, mais dans ma musique il y a beaucoup de choses que j’ai apprises grâce à l’école et que j’ai continué d’apprendre après avoir arrêté l’école. Il y avait cette histoire avec le nombre d’or que je ne comprenais pas, il se retrouvait partout ! On le retrouve dans les pyramides, dans ces trucs-là. J’étais vachement dans les trucs de complotistes. Tu regardes une vidéo pendant 30 minutes tu bugs. Et tu sais, quand j’ai fait ma musique j’ai eu des retours « Ouais tu te casses la tête. ». Au final, je me suis dit « Quitte à me casser la tête vraiment, on va partir dans un truc égyptien ! ». Je kiffe ce mystère qu’il y a autour de la culture égyptienne.
Depuis l’école ?
Ouais depuis l’école. Après, ça ressort aussi à côté. J’écoutais « Retour aux pyramides » des X-men. Je me disais « Mais pourquoi ils parlent des pyramides ? ». Ensuite, avec l’histoire tu comprends des choses en dehors de l’école, car ce n’est pas à l’école qu’on va t’apprendre que les Égyptiens étaient loin d’être blancs. Du coup ça redore un peu l’image que tu te fais de l’Afrique. Elle n’a pas toujours été pauvre et dévalorisée comme on la voit aujourd’hui. Il y avait une Afrique en avance, précurseur sur plein de choses.
Dans le morceau « Gbaye » tu dis « On traînait pas ensemble, depuis que je traîne sur Booska-p tu m’appelles frérot ! ». Est-ce que tu as vu un changement dans ton entourage depuis que tu as entre guillemets « percé » ?
Ouais ! Il y a beaucoup de gens qui disent « Ouais maintenant que tu rappes, les meufs, ça doit être facile ! ». Mais c’est même plus que les meufs, c’est les cailleras, les thugs, tous les mecs qui font les mecs en soirée il y a des talons qui leur poussent. Ils te matent le boule comme si t’étais une autre meuf, ma parole. Et ils te font des faux sourires tout ça, ils te checkent. Moi je suis quelqu’un d’hyper discret, hyper loyal. Je connais beaucoup de personnes via la musique ou même avant, mais je ne traînais pas avec 50 000 personnes. Quand on est en intimité, je préfère ; le rapport est sincère. Du coup, pour répondre à la question, il y a beaucoup de gens qui se sont dit après le premier EP « C’est mon gars ! » et qui m’appellent frérot. Mais moi je n’appelle pas les gens « Frérot ». Quand je le fais, c’est sincère. Il y a eu beaucoup de fausses intentions. J’en parle aussi dans le morceau « Solo ». Il faut faire attention ! Les groupies ont deux sexes.
On sent que tu es vraiment attaché à l’Afrique. Quel rapport as-tu à l’Afrique ?
Un rapport de cœur ! Je suis d’origine ivoirienne, c’est le pays natal de mon père. Je n’ai jamais pu y aller malheureusement, mais je vais y aller très prochainement. Malheureusement l’année où je devais partir il y a eu les premiers conflits. Après la vie a fait que tout le monde n’a pas pu se réunir pour partir là-bas par la suite. C’est un truc que je vais rattraper d’ici peu je pense. Va falloir que j’aille là-bas et que je mange bien. Faudra que je revienne avec 30 kilos d’excédent personne, pas bagages ! S’il y a 30 kilos dans ma valise je sais qu’il y a un cousin qui m’a suivi c’est un peu chaud (rires).
Tu as un son qui s’appelle Aloha, est-ce que c’est une dédicace pour notre média Alohanews ?
Non Aloha ça m’a fait rire parce que quand on m’a présenté le truc on m’a dit Alohanews et je n’avais pas percuté. Mais non, pas du tout. Ce n’est pas fait exprès. On est sur la même longueur d’onde. Aloha c’est peace dans la signification. Du coup c’était vraiment venir avec un message de paix tout en frappant fort. J’aurais même pu dire Oss. Tu vois quand tu rentres sur le tatami ? On a du respect, mais on va se mettre aussi sur la gueule. Pour moi c’est ça aussi Aloha.
Est-ce que tu as un dernier mot pour Alohanews ?
Arrêtez de copier mes titres pour faire votre site les mecs ! Je pense qu’il y a plein de mots (rires). Non, force. Force vraiment !
Propos recueillis par Gaëtan LECOUTURIER