21 octobre. La bête est sortie du zoo. L’album Or Noir est enfin disponible dans les bacs et en téléchargement digital. 17 morceaux (+1 en digital) pour faire gesticuler les avant-bras de l’Héxagone et des pays francophones. De la trap musique à la française inspirée du vivier musical de Chicago. Une frappe chirurgicale contre la concurrence qui arrive pile-poil à l’heure du goûter. Après la sortie de sa mixtape Z.E.R.O, Kaaris était dans la cuisine. Voyons ce qu’il nous a préparé.
Rémarqué par son apparition sur le morceau de Kalash de Booba, Kaaris est devenu « the rapper » en vogue. Zoo, son premier clip aux plus de 9 millions de vues, est venu conforter sa place d’outsider. 9 mois plus tard nait le « bébé », Or noir, confectionné malgré le stérilet du rap game qui a privé l’artiste des projecteurs pendant 13 ans.
Or Noir, l’un des projets les plus attendus du milieu urbain sonne comme un pogrom. Le public jubile. Quelques jours après sa sortie, l’album fait déjà office de référence de cette année 2013. L’homme « à la barbe jusqu’au nez » nous offre du rap cru, du rap hardcore sans concessions. Le premier morceau (cf. Bizon) laisser présager le squelette imposant d’un travail soigné. Produit par Therapy, beatmaker par excellence de Booba, l’album sonne le glas par des instrus à l’américaine aux basses qui pourront faire vibrer le toit d’un 4X4. « The roof is on fire ».
Or Noir, c’est la dureté des textes sur des sonorités abyssales. Des punchlines imagées à la pelle et les refrains entrainants restent gravées dans la caboche. « Alors comme ça t’as un bon cœur ? Pd ! Vivement que tu meures, pour que je me le fasse greffer » (cf. 2 et demi). Une ténacité textuelle à en faire pâlir les plus fragiles. Toutefois, le rappeur du 93 offre un rap « dur, mais intelligent ». En effet, malgré une technique basée sur de la punchline égotripe, le contenu des titres est ficelé de manière à avoir une construction cohérente. C’est l’une des raisons pour laquelle l’art de Kaaris fédère et crée l’unanimité des auditeurs. En bref, le côté hardcore de l’album reste la marque de fabrique du Sevranais.
La violence verbale du projet est néanmoins aérée par des morceaux tels que Paradis ou Enfer ou encore l’excellent Or Noir dans lequel l’auteur se livre davantage. Ces deux morceaux lyricalement travaillés dévoilent un Kaaris « poético-conscient ». « Je suis le fruit de tes entrailles, je témoigne sur un champ de ruines. Comme un épouvantail qui éloigne les anges du dîn ». Même si il n’y a « pas de remède, il n’y a que du poison », K2A aka Talsadoum nous abreuve de deux morceaux extrêmement bien soignés.
Or Noir, c’est aussi de la prise de risque. Que l’on aime ou pas l’autotune, Kaaris s’y est prêté au jeu sur les tracks Pas de remède et MBM. Le premier est amplement bien maitrisé. Kaaris dénonce mélodieusement que « la vie est une catin » et qu’il ne veut surtout pas d’aide pour s’en sortir. Le second est un ovni chanté auquel on peut ne pas accrocher directement. MBM vieillira peut-être mieux avec le temps, mais à la première écoute, ce morceau apparaît comme le talon d’Achille de l’album.
Apparition sur des multiples mixtapes, un premier street 43e Bima et sa propre mixtape Z.E.R.O ont permis à forger le produit local de Sevran. Plus de 10 ans dans le game, le rappeur a fait du chemin. Beaucoup de portes fermées l’ont empêché à éclore. Grâce à l’invitation de Booba sur les morceaux Criminelle League et le très prolifique Kalash, Kaaris a fini par se faire entendre. Par ailleurs, le Duc de Boulogne est le seul invité d’Or Noir sur L.E.F. Kaaris a su exploiter efficacement le tremplin avec une communication travaillée en matière d’images et de matraquage sur les réseaux sociaux. Or Noir enracine la place du massif de 2.70 dans le paysage du rap français et honore l’engouement pour ce premier album solo. Il ne reste plus qu’à espérer que la puissance se reflète dans les charts. Ohhhhhh clique !
Nikita Imambajev