Alors que le soleil pointait timidement à l’horizon, que la victoire semblait être frôlée, un vent de désastre s’abattit violemment d’un jour à l’autre sur le peuple égyptien, emportant avec lui joie et gaieté récemment installées. Aujourd’hui, seul le désespoir pleut sur des cœurs attristés.

En effet, l’Égypte est devenue, depuis quelques jours, un véritable bain de sang. En moins d’une semaine, le pays se transforma en un  véritable champ de massacre, laissant comme bilan affligeant 800 morts en à peine quelques jours. Mais au-delà de ce chiffre monstrueux, ce sont les conditions dans lesquelles toutes ces personnes meurent jour après jour qui nous affligent le plus. Femmes, hommes, enfants, tous sans exception, sont abattus de sang-froid, certains sont gazés, d’autres encore sont tabassés.  

Mais ce qui est encore plus désolant, c’est que sur l’échiquier politique international, les pions ne semblent pas beaucoup bouger. Tous sont prudents, d’aucuns ne se hâtent, préférant méditer longuement sur la meilleure stratégie à entreprendre. Mais face à ce vacarme, l’heure est-elle encore à la méditation ?  Et puis, aurons-nous réellement un jour les indices nécessaires pour déchiffrer les secrets de cette tension ?

Pourtant, depuis les évènements qui avaient débuté en 2010, l’heure semblait propice au changement. Le dictateur en place avait fini par déposer ses armes et des élections démocratiques avaient même eu lieu. Mais voilà qu’aujourd’hui, et contre toute attente, ces mêmes armes se retrouvent entre des mains encore plus déplorables. Dans cet élan de liberté, nous avions fermement cru à ce réveil arabe, à ce « Printemps arabe ». Cependant, il semblerait qu’une fleur met plus de temps à éclore qu’à se faner…

Nous avions conscience que la page de la Révolution n’était pas encore tournée et que le chemin à parcourir était encore long. Nombreuses étaient les pièces manquantes du puzzle, certes, mais ne dit-on pas qu’un puits se remplit de gouttes d’eau ? Néanmoins, un vent nouveau semblait avoir soufflé sur le pays du Nil, déployant sur son passage un léger parfum d’espoir que l’on pensait jusque-là déchu.

Toutes les guerres se ressemblent : elles débutent sur papier, se disputent dans les rues et se gagnent avec les cœurs. Toutes se déroulent dans ce même paysage encombré de morts tombés de toutes parts. Toutes possèdent le même scénario : des innocents meurent pour défendre d’autres innocents, tous liés par un chagrin partagé. Dans cette épouvantable folie, c’est au peuple qu’il revient de lutter contre cette fureur hostile qui ne cesse de piller, jour après jour, l’innocence des beaux jours. Pourtant, ces maux n’apaisent en rien le courage et la détermination de ces citoyens, et la plupart sortent dans les rues avec pour seule arme l’espoir d’un meilleur avenir. Ils continuent de trainer leur malheur côte à côte et se refusent à l’idée d’être à jamais enclins à subir les ordres que d’autres hommes ne cessent de vouloir leur imposer.

Mais pouvons-nous encore parler d’« Homme » ? Ou devrait-on davantage les décrire comme des êtres sans scrupule, à l’âme morbide et à la conscience endormie, admirant le spectacle infâme de leur peuple agonisant. Ont-ils perdu leur raison pour  ne pas prendre conscience qu’ils se ruinent eux-mêmes en anéantissant leurs frères, en détruisant leurs villes et en mettant leur Nation en feu ? En vrai, seuls leurs cœurs sont réduits en cendres. Aveuglés par un orgueil insensé, ils n’entendent plus leur foi qui leur murmure que la vie humaine, parce que de source divine, est sacrée.

« Vivre c’est lutter », écrivait Victor Hugo. Peut-être avait-il pour idée que tout combat ne peut se passer de violentes protestations. Cela est vrai, certes, mais toute cette violence dérobe le charme d’une éventuelle victoire. À l’heure  actuelle, c’est l’âme de l’Humanité qui est ensanglantée, mais un jour viendra où les injustes se sentiront dévastés par leur propre succès…

 

Chaïmae Ouaret