Tout juste âgé de 22 ans, Yasser Jaafari nous présente sa première pièce en tant qu’auteur. Celle-ci relate l’histoire de deux jeunes de quartier qui ont choisi une voie tout à fait différente. Tirée d’une histoire vraie, la pièce met en scène deux personnages principaux, Moh et Ahmed, interprétés par Yasser Jaafari lui -même et Aboubakr Bensaihi du film Black. Mise en scène par le comédien Rachid Benbouchta, qui a déjà mis en scène les pièces “J’appelle mes frères” et “Retourne dans mon pays”, cette pièce se veut convaincante et a déjà rencontré un franc succès lors de ces  dernières représentations à l’Espace Magh. Alohanews est parti à la rencontre de Yasser Jaafari et Rachid Benbouchta.

Pouvez-vous nous parler de la pièce Mordamed ?

Yasser : Mordamed, c’est une pièce, j’ai envie de dire « réelle ». C’est une pièce qui raconte l’histoire de deux jeunes de quartier, Moh et Ahmed, et où on apprend à connaître un peu leur quotidien, leurs amours, leurs faiblesses et pourquoi ils sont dans une situation où l’un fréquente plus la rue que les bancs de l’école et pourquoi l’autre a choisi un chemin tout à fait différent, il veut faire des études et veut avoir un avenir. Je l’ai écrite en me basant sur une histoire réelle qui est la mort de mon frère en 2004.

Rachid : Ce qui m’a intéressé, c’est que le temps a pu travailler chez Yasser et il a pu faire une transposition de cette tragédie. Bien que la pièce soit basée sur du réel, il y a vraiment quelque chose qui est intéressant à explorer, il y a une vraie poésie de la rue qui est riche théâtralement.

Quel public voulez-vous toucher avec cette pièce ?

Rachid : Les jeunes, mais pas seulement !  Les deux personnages principaux sont des jeunes, ce qui permet justement à un public du même âge de s’identifier facilement à eux et ça nous intéresse aussi de parler à des gens qui ont encore la vie devant eux. Cependant, la pièce s’adresse aussi à des adultes pour essayer de leur faire percevoir une autre manière d’appréhender certains jeunes de quartier qui peuvent leur faire peur. La pièce montre que ces jeunes ont des doutes, des aspirations, une sensibilité, etc.

 

Est-ce que le message que vous voulez véhiculer finalement c’est : est-ce que notre situation définit la personne que nous allons être ou est-ce plutôt les choix que nous faisons qui auront le plus grand impact sur notre vie ?

Rachid : Moi je pense que la situation dans laquelle on est, le milieu dans lequel on vit, la famille de laquelle on est issu ce sont des choses qui sont subies, qu’on n’a pas choisi. Maintenant la vie est faite de deux choses, elle est faite en effet de ce qui a été donné à la naissance et après il y a ce qu’on fait de notre vie. Donc effectivement il est indéniable que certains endroits peuvent être plus faciles pour grandir, mais le plus important effectivement c’est ce qu’on fait de notre vie.

Yasser : Bien-sûr, on fait un choix et on s’accroche à ce choix, mais au-delà du choix qu’on fait il y a aussi une question de rencontres. C’est-à-dire que si tu ne fais pas la bonne rencontre, si tu ne fréquentes pas la bonne personne qui va t’aider à évoluer intellectuellement et dans ta vie, tu ne vas pas réussir. Pour ma part, j’ai rencontré Rachid Benbouchta qui m’a énormément aidé. Il m’a aidé à monter ce projet. Et il y a aussi mon frère Said Jaafari, des éducateurs, d’autres personnes qui m’ont aidé. La rencontre aide dans les choix.

Comment s’est passée la collaboration ?

Rachid : C’était vraiment une belle rencontre et ça c’est grâce à l’Espace Magh qui a fait un appel à projet pour des auteurs. On a beaucoup travaillé ensemble, c’était un travail sur le texte. Le texte c’est Yasser qui a tout écrit. Moi je le conseillais sur l’agencement des scènes par rapport à la narration et puis au cours de ce travail il m’a demandé si je voulais faire la mise en scène du spectacle.

Yasser : Pour ma part c’était un pur hasard, on m’a demandé si j’avais une pièce et j’ai dit que oui. La pièce a été retenue et je me suis retrouvé dans le bureau du directeur, Najib Ghallale qui m’a complimenté sur ma pièce. Il a beaucoup aimé mais il fallait retravailler la structure et il y avait des choses à refaire et donc on m’a gentiment proposé Rachid Benbouchta avec qui j’ai commencé à travailler. Mais effectivement l’Espace Magh a joué un rôle essentiel et je ne pense pas que beaucoup de théâtres auraient fait ce qu’ils ont fait, c’est-à-dire donner sa chance à un jeune auteur de 22 ans. Ils ont pris un énorme risque et pour ça on remercie toute l’équipe de l’Espace Magh.

Propos recueillis par Leila El Hariri

Pour voir la pièce « Mordamed », rendez-vous à la Maison des Cultures et de la Cohésion sociale de Molenbeek du 12 au 14 janvier ainsi qu’à la Cité Culture de Laeken le 24 janvier.