« Mariés au premier regard », d’abord diffusée sur M6 et ensuite sur RTL TVI, est une émission de télé-réalité dans laquelle les participants se rencontrent pour la première fois lorsqu’ils se marient civilement. Même si le concept peut paraître totalement saugrenu, il révèle pourtant énormément de codes sur le fonctionnement de notre société.

Comme pour beaucoup de personnes, c’est d’abord la curiosité qui m’a poussée à regarder l’émission (et une légère pointe de fascination pour l’audace de l’idée, je l’avoue). Avant la diffusion, je n’avais pas d’a priori si négatifs que ça. Des commentaires que j’avais lus, j’avais surtout retenu le côté « cucul » et bon enfant du show. Et pourtant, au-delà du festival de propos misogynes, j’ai avant tout été frappée par l’image que l’émission me renvoyait de notre société et de ses travers dans notre rapport à la séduction.

Mariés au premier regard commence en expliquant que des candidats se sont portés volontaires pour participer à une expérience scientifique afin de trouver l’amour. Et c’est sur ce point que les « experts » se défendent le plus : tout part de la science. Ensuite, ils annoncent aux candidats qu’ils ne verront leur partenaire choisi que le jour de leur mariage. Afin de légitimer au mieux le côté scientifique de la chose, les personnes s’adonnent à toutes sortes de tests. Des tests psychologiques, évidemment, et d’autres tests plus surprenants, notamment celui de « renifler » les tee-shirts des maris potentiels afin de déterminer si l’odeur du matin plaît ou non. Très scientifique, donc. C’est alors que je me suis mise à la place de ces candidats et, malgré tout le recul que j’ai pu prendre (assez minime, il est vrai), je me suis demandé qui pouvait accepter cela ? Et surtout pourquoi ?

La réponse apparaît très rapidement lorsque l’on découvre le profil des candidats : des personnes presque honteuses d’être célibataires. Une jeune femme déclare même être seule depuis « 22 mois » parce que « ça paraît beaucoup moins long que de dire 2 ans ». D’autres personnes pleurent lorsqu’on leur annonce qu’aucun partenaire idéal n’a été trouvé pour elles et qu’elles ne pourront donc pas continuer l’aventure. Et enfin, il y a celles qui décident d’aller jusqu’au bout pour « le challenge », pour « l’aventure »… ou par désespoir ? Car le problème se trouve là, justement. Le terme « célibataire » est devenu une tare dans notre société, un manque à combler à tout prix et, manifestement, à n’importe quel prix.

Les couples de Mariés au premier regard se rencontrent pour la première fois lorsqu’ils passent devant Monsieur le Maire afin de se dire oui. Bien qu’on insiste lourdement sur le fait que ce soit un engagement à vie, les futurs époux ont tout de même le droit de divorcer deux mois après leur mariage. On constate directement la scission entre ceux pour qui le mariage représente une réelle institution et les autres qui le voient avant tout comme un acte administratif. Le Maire lui-même déclare d’ailleurs : « Je ne célèbre pas un acte d’amour lorsque je marie deux personnes. Je célèbre avant tout un acte administratif qui implique que deux personnes paient des impôts en commun ». C’est gai.

Enfin, impossible de regarder cette émission sans relever les très nombreuses réflexions sexistes. Toutefois, elles sont assez bien amenées, je dois dire, et suffisamment bien tournées pour que le téléspectateur n’en soit pas choqué. Un des experts de l’émission, présenté comme « expert en séduction » (si, si), n’hésite pas à parler de « taux de masculinité/féminité chez une personne » et discourt même sur le rapport « taille/hanche » afin de déterminer la beauté d’une femme. Il cite également l’idée de « femme-enfant » car la famille de la jeune fille est assise en « arc de cercle devant elle ». Une science de haut niveau, donc. Et comme si cela ne suffisait pas, la sexologue explique qu’un père doit dire à sa fille qu’elle est belle car dans le cas contraire, elle ne se sentira pas digne d’être aimée par un homme. En clair, les femmes sont présentées comme de petits êtres fragiles qui se laissent déborder très vite par leurs émotions et dont il faut s’occuper.

Alors, oui, tout ça est calculé pour faire de l’audience, me direz-vous. Et c’est sur ce point que je ne suis pas tout à fait d’accord. A quand une émission qui ne se nourrirait pas du malheur des autres ? A quand une émission qui bousculerait les codes de notre société, non pas pour choquer, comme c’est le cas ici, mais pour réellement avancer vers « un mieux » ? A quand une émission centrée sur l’estime de soi plutôt que sur ce que nous pensons être des failles qui nous définissent ? A quand une émission qui parlerait du mariage entre deux êtres, et non pas obligatoirement entre un homme et une femme ? Et surtout, à quand une émission qui présenterait l’amour comme un lien fort qui unit deux personnes et non comme un acte déterminé par un « reniflage » de vêtements sales ? Je reste perplexe.

Alexia Zampunieris

Alexia vient de publier son nouvel ouvrage intitulé « Mademoiselle cherche le soleil » aux Editions Chloé des Lys à découvrir ici