Lino Gargiulo plus connu sous le nom de scène de Lonepsi est un artiste parisien, auteur, compositeur, interprète. Le jeune homme propose un style musical bien à lui mélangeant des influences venues du rap, de la variété, mais aussi de la musique classique. À l’occasion de la sortie de son dernier EP intitulé : “Toutes les nuits du monde” disponible depuis le 22 mai 2020, Lonepsi s’est prêté à notre jeu de question-réponse.

Ton projet s’appelle “Toutes les nuits du monde”, est ce que tu peux nous dire ce que cela veut dire, ce que la nuit représente pour toi ?

La nuit m’évoque beaucoup de choses et elle reste une grande question, c’est peut être pour ça que j’en parle autant. Mon métier consiste à écrire et composer des musiques, et à puiser de l’inspiration dans le maximum de choses. Ces moments de création je ne peux les rencontrer que pendant la nuit. J’essaye parfois de me faire violence et d’écrire à 14 h, mais quelque chose me bloque. Quand la nuit tombe, que les rues se vident et que les voisins sont endormis, j’ai l’impression d’être un peu comme le seul survivant du monde, quelque chose s’enclenche en moi et cela me permet de composer. Quelqu’un qui écrit ou qui compose ne se sent bien qu’à partir du moment où il est libre. Quand j’entends une belle musique, je ne me dis pas que l’artiste est fort, mais plutôt qu’il est libre. Camus disait “être soi c’est être assez courageux pour être différent”.

 

 

C’est vrai que l’on retrouve de manière très fréquente des thèmes très mélancoliques, même nostalgiques dans tes projets. Est ce que cette manière d’écrire te permet justement d’exacerber et d’exprimer cette partie de toi ?

Sans l’écriture je serais exactement la personne que je décris dans mes textes. Une personne qui se pose énormément de questions, triste et avachie. Le processus d’écriture me permet de sublimer cette posture mélancolique, triste, d’en faire de l’art. La musique me permet de m’épanouir. On dit souvent que les humoristes sont les personnes les plus tristes dans la vie de tous les jours. Moi à l’inverse je ne raconte pas des blagues, je raconte des choses tristes et donc justement je peux me permettre de raconter des blagues dans la vie de tous les jours.

« Je raconte de belles choses de façon triste, c’est tout l’enjeu de ma musique »

“Chaque train qui passe, chaque matin qui s’élève, vient me rappeler qu’un jour, tout s’en va, je ne trouve plus grand-chose dans les regards que je croise, comme si j’étais devenu aveugle après toi”: ce sont tes relations amoureuses qui t’apporte cette vision ? Ou une relation en particulier peut être ?

Ma façon d’écrire est conditionnée par ce que j’ai vécu, et dans le morceau “Aveugle” je décris une sensation que j’ai eue pendant un cours instant. Quand je croisais des regards ou que je discutais avec d’autres personnes, je n’arrivais plus à prendre du plaisir ni à les regarder ni à échanger avec elles parce que le souvenir de la fille dont je parle était beaucoup trop fort. Dans “Aveugle”   je m’adresse d’abord à “tu” et à d’autres moments à “elle” comme si je ne savais plus vraiment à qui m’adresser. Je raconte des bribes d’histoire complètement différentes. J’ai essayé de faire comme si j’étais réellement devenu aveugle et que je visitais mes souvenirs. Non pas avec mes yeux, mais avec mes mains, c’est pour ça que parfois j’ai l’impression de l’avoir en face de moi et je dis “tu” et à d’autres moments qu’elle est loin et j’utilise “elle”.

 

 

On sait que tu es adepte de poésie, de belles lettres et on retrouve dans ta musique des styles d’écriture assez recherchés, parfois complexes. C’est quelque chose que tu aimes ?

J’ai toujours aimé écrire avant d’aimer la littérature et la poésie. Dernièrement, je suis retombé sur un poème que j’ai écrit quand j’avais six ans pour la fête des mères, j’avais oublié son existence et même oublié que je l’avais écrit. Ce n’est qu’au cours de la lecture que j’ai compris et que j’ai reconnu mon écriture. Je trouve vraiment fort le sentiment de savoir quand un écrit m’appartient. C’est ce que toute personne qui fait de l’art veut retrouver. Le fait d’être vraiment soi, ressentir à quel point une oeuvre nous appartient.

“Mes textes savent de moi ce que j’ignore d’eux”

Dans Marche nocturne tu dis : “J’écris ce texte en me demandant que vaudra-t-il, lorsque j’aurai l’âge de le lire une fois sincèrement, est-ce qu’il se perdra parmi toutes ces feuilles volatiles ?” Est-ce qu’il t’arrive de te redécouvrir quand tu relis tes textes ?

Flaubert disait : “Mes textes savent de moi ce que j’ignore d’eux”. Quand j’écris quelque chose je me dis qu’il y a une histoire manifeste, quelque chose de conscient, mais que si je laisse patienter le texte, 5 ou 10 ans je sais que je vais y trouver des choses que je saurais expliquer, mais avec plus de temps. J’aime bien me laisser aller à une écriture parfois automatique, où je lâche prise et je me laisse faire par des images et des idées qui me viennent, c’est de l’ordre de l’inconscient et de l’incontrôlable. Le texte est un miroir qui vient refléter la façon dont on pense au moment où on le lit. Quand je raconte une histoire et que des gens, d’âges et de cultures différentes s’y reconnaissent ce n’est pas parce que l’histoire est universelle, mais c’est parce que la manière dont ils se l’approprient l’est.

Lonepsi sera en tournée dans toute la France ainsi qu’en Belgique à de janvier à juin 2021, dont une date parisienne prévue dans la salle de spectacle Pleyel.

Propos recueillis par Antoine Ollé