Douce comme la drogue, la nouvelle génération du r’n’b américain arrive avec un souffle nouveau. Dix années en arrière, ces morceaux témoigneraient de la pathologie inquiétante des auteurs. Aujourd’hui, rien de plus normal que d’écouter la vision nihiliste de jeunes branchés des États-Unis. Avec un nouveau son de cloche, la next generation séduit et ratisse large. Défiant tous les codes en édulcorant la pop/soul des années 80 avec des états d’âme neurasthéniques, la musique urbaine 2.0 marque une nouvelle étape musicale.

Amené, entre autres, par des artistes tels que The Weeknd ou encore Frank Ocean, ce phénomène a petit à petit fait son nid dans les charts. Par ailleurs, en 2012, le monde décalé de Frank Ocean franchissait le palier allant à la rencontre de la masse populaire avec son ovni « Channel Orange ». Cet album, une espèce de Magritte auditif, clef du succès pour le membre d’Odd Future, ouvrait la porte à d’autres chanteurs de la même trempe. Depuis, l’impact culturel se ressent dans les galettes proposées par divers activistes de la scène urbaine.

La nouvelle génération s’est affirmée avec cette rythmique lente, fuyarde et enivrante. Depuis, on va jusqu’à parler de révolution au sein du genre r’n’b d’Outre Atlantique. Une tendance « hipster » qui s’est universalisée retombant dans l’oreille des auditeurs inconnus de ce cercle des privilégiés. Par ailleurs, même les artistes témoignent de l’étrangeté de leur art. C’est le cas de SZA, artiste fraichement signée par le label Top Dawg Entertainement en 2011. Cette dernière confie dans une interview accordée à BillBoard : Au début, ils me regardaient comme si j’étais un alien. Du style : “Ta musique est bizarre, t’es bizarre, mais on t’aime bien“.

Pourtant, cette nouvelle figure encore méconnue sur le sol européen n’est qu’à ses débuts. Avec son projet nommé « Z », SZA s’est imposée au sein de sa nouvelle équipe composée de très performants Kendrick Lamar, ScHool Boy Q, Ab-Soul, Jay Rock et Isaiah Rashad. Un mélange de pop/soul et de r’n’b minimaliste viennent accrocher les mots évanescents de la chanteuse de 24 ans.

Une sensation de réveil brutal après une bonne cuvée ou encore une virée nocturne brumée dans la forêt, l’univers de cette nouvelle mouvance sonne comme un écho d’un cri étourdi. Spooky Black, 16 ans, a également agité la toile avec ses maquettes plus que décontenancées. Son clip « Without you » a été le propulseur de ses ébats musicaux. Nostalgique jusqu’à l’image, ce dernier arbore fièrement des accessoires tels que du-rag et t-shirts triples XL. Hormis ses gouts assumés pour le brol visuel, le jeunot étonne par sa composition et ses différentes postures tout au long du clip. Regard appuyé face caméra, Spooky Black offre une leçon de non-conformisme qui détonne. Au premier abord, l’artiste est le portrait craché d’un serial killer. Cependant, en se penchant un petit peu plus sur son EP « Black Silk », on se rend vite compte que quelque chose est en train de se passer. Cette nouvelle vague nous plonge dans les pensées le plus éphémères et nous emmène dans une réalité derrière un écran de fumée. Parlant de mort et d’amour en même temps, cet oxymore du r’n’b nous offre peut-être là un lapsus. À débattre.

Nikita Imambajev