Avant même que le titre « Vivre maintenant » ne voie le jour en ligne, Akhenaton, membre du mythique groupe IAM, a subi un instant d’infortune. Des cyberprotestations ont submergé la toile faisant d’AKH l’ennemi virtuel N°1.

Accusé de flagorner les grands esprits de ce monde et ainsi mettre en doute son hymne moral prêché dans ses morceaux, Akhenaton est amené au bucher, attendant d’être supplicié. Avant que le feu soit mis aux poudres, permettez-moi de vous conter à haute voix cette lettre adressée aux bourreaux :

Bonjour toi,

Oui, toi. Celui qui me lit et qui, ces derniers jours, écrivait, les mains moites, son désarroi le plus profond. Oui toi, celui qui scandait sa déception : « Akhenaton capitaliste, Akhenaton illuminati, Akhenaton sioniste ! » Ça fait du bien, hein ? Pourtant, il suffit de quelques tapotements sans braver la difficulté, quelques mots dans un espace virtuel pour se sentir héroïque. Que t’es-tu dit ? Tu t’es surement dit, après ton fulgurent « courage » expulsé sur les réseaux sociaux : « Aujourd’hui, j’ai pris une sacrée position ! », avant d’éteindre la lumière de ta chambre et de te vautrer dans tes draps. Tu t’es sans doute aussi dit que tu as vidé tout ton sac, dit tout ce que tu pensais. Mais justement, cher internaute, c’est ça qui m’effraie. Qu’est-ce que tu penses, au fond ? Je me permets de te demander cela parce que j’ai comme l’impression que tu ne raisonnes pas. J’ai l’impression que ta vie se bâtit sans nuances, sans complexité, sans échange. Tu étais sans doute un fervent « Je ne suis pas Charlie » pour, je te cite, « résister au complot franc-maçonnique entretenu par Mac Donald et tous ces capitalistes ». Tu sais, tu me fais un petit peu penser à celui à qui on demandait d’approfondir sa réflexion, il te répondait « bin la mondialisation tout ça quoi, c’est pas bien ». D’accord. Ma plus profonde conviction, ô cher internaute, est que la contenance de ta vie n’est que slogan. Que tes convictions ne sont que des pancartes que tu brandis lorsque l’occasion se présente, juste pour se sentir exister. Ô cher internaute, parle-moi de ton intention profonde ? comptes-tu en rester à tes phrases catchy envolées en éclat sur des statuts Facebook ou as-tu l’intention d’aller plus loin pour un monde meilleur ? comptes-tu t’ériger en moralisateur notoire encore longtemps ? comptes-tu arrêter de faire partie des gens de slogan pour être un homme d’action ? Il est temps de nous réformer cher ami. Ne repousse pas ton devoir à demain, car demain c’est loin.

Es-tu contre le régime capitaliste ? Arrête donc de vivre sous le sceau des marques tant affectionnées. Sensibilise. Ne t’arrête pas en si bon chemin à des clichés trop vides du genre « Moi, je boycotte Coca Cola! À la place, je préfère boire du Poms. Au moins, ça ne va pas dans les poches des propriétaires bedonnants des multinationales ». Sauf que Poms appartient à la firme Coca Cola, mon cher ami. À moins que ton seul habit soit une feuille de vigne sur tes parties intimes, tout ce que tu portes est sans doute fabriqué par des Asiatiques de 8 ans aux tronches poussiéreuses ne voyant pratiquement jamais la lumière du jour. L’heure de la réforme c’est maintenant, car demain, c’est loin mon ami.

Es-tu hip-hop ? Sache que la devise est « Love, peace, unity and having fun ». Où est donc passée l’unité ? Derrière la culture du préjugé, sans doute. Va vers l’autre, mon ami, et comprend sa démarche. Aide le prochain à se relever. Pas à le faire tomber. Tu le peux. Maintenant. Car demain c’est loin, mon ami.

As-tu peur d’être déçu ? A te lire, tu l’as vraisemblablement été avec AKH. Mais fais en sorte d’agir à ton niveau. N’attends pas que des personnes que tu affectionnes allient l’utile au controversé au risque de se salir les mains. N’oublie pas que l’argent du morceau inculpé sera reversé à des associations caritatives. Si ça te scandalise, fais en sorte qu’ils n’aient pas à faire de compromis. Mets la main à la pâte désormais. Car demain, c’est loin mon ami.

Je finirai ici, mon ami. Comme dit le morceau « La Fin de leur monde » : « Parole parole parole, ils ont promis monts et merveilles, mais les merveilles se sont envolés. »

Cher ami, entre tes mots et tes actions, il est temps de trouver un modus vivendi. L’heure d’agir pour changer les choses. Non pas agir pour se sentir exister. Tout cela est encore possible, mais il est temps de mettre au placard tous ces slogans trop faciles. Il faut de la patience. Être patient, mon ami, ce n’est pas attendre. C’est agir en attendant*.

Fraternellement,

 

Nikita Imambajev