À la suite du meurtre sanglant des trois étudiants musulmans, mardi soir en Caroline du Nord, les esprits sont sortis de leur apathie. Après la fusillade, le tireur présumé du nom de Craig Stephen Hicks déposait les armes et se rendait à la police. Depuis, en plus de la honteuse non-couverture médiatique, le terme terrorisme a perdu toute unité de sens. Explications.

Scandaleux, est le premier adjectif qui me vient lorsqu’il faut commenter le traitement médiatique de la tragédie. Cette indifférence a suscité l’indignation d’un bain de foule d’internautes sur Twitter, mécontents du silence radio informationnel. La nouvelle a, par la suite, été prise en charge, timidement, par les médias traditionnels. Indéniablement, les réseaux sociaux tendent à devenir le contre-pouvoir du contre-pouvoir.

Cependant, c’est également sur les réseaux sociaux, à savoir Facebook, que Craig Hicks discourait de ses logorrhées façon « choc des civilisations » : «Étant donné les énormes dégâts que votre religion a faits dans ce monde, je dirais que j’ai non seulement le droit, mais aussi le devoir, de l’insulter». Propos antireligieux, certes. Acte terroriste ? Ça se discute.

Après avoir lu ces quelques lignes, certains crieront aux deux poids deux mesures étalant arguments et autres commentaires : « Quand le tueur est blanc, il est forcément un fou, un déséquilibré, tandis que quand il est d’apparence musulmane, il est directement catalogué de terroriste ». Ces terminologues en herbe, laissant des sillons rhétoriques sur tous les murs Facebook, prennent la parole et s’évertuent à dire qu’au nom de toutes les accusations hasardeuses à l’encontre de musulmans, l’assassin présumé de Chapell Hill est également un terroriste. Ils/elles ont le droit de le dire, Charlie est là pour veiller à ce que tout soit dit n’est-ce pas ? Cependant, à mon sens, ils ont tort.

Un terme galvaudé

Le Larousse définit un acte terroriste comme étant un « ensemble d’actes de violence (attentats, prises d’otages, etc.) commis par une organisation pour créer un climat d’insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, pour satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays, d’un système ». En d’autres termes, une revendication spécifique devrait émaner des acteurs impliqués. Le tueur présumé de Caroline du Nord, jusqu’à présent, n’a émis aucune déclaration. Place de parking ou pas, l’enquête est en cours et il serait, au nom des hauteurs que prennent ces justiciers notoires des réseaux sociaux, excessivement incohérent de clôturer le débat. Oui, car je considère la démarche de ces érudits « facebookiens » autoproclamés être la résultante de l’incohérence voire de malhonnêteté intellectuelle. Comment comparer les tueries de Charlie Hebdo, dans lesquelles les assaillants ont clairement clamé leur appartenance à des groupuscules terroristes, à ce fait, tout aussi horrible en passant, encore en pleine étude ? Bienvenue dans la pratique du non-sens.

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À noter qu’à travers cet article, je ne tends pas à faire profil bas d’une certaine injustice : celle de l’accusation systématique de terrorisme envers des personnes d’apparence musulmane. Effectivement, ces imputations fréquentes se multiplient en ces temps de crispation. Militant de l’impartialité, il est dans le devoir de tout un chacun de faire entendre sa voix, mais pas avec n’importe quel ton. Le but n’est pas d’entasser toute la cruauté du monde sous la coupole d’un même champ lexical de terreur comme on fourre une dinde la veille d’un soir de Thanksgiving. C’est justement là que la boite de Pandore se referme… et légitime les accusations à l’encontre de la communauté musulmane dès qu’un acte isolé se profile. Considérer les meurtres de Chapell Hill comme étant un acte terroriste, sous prétexte d’un statut Facebook antireligieux ou de la confession religieuse des victimes, sans entendre les motivations de l’accusé, c’est ouvrir le couloir d’une suspicion à outrance envers et contre tous. On ne résout pas l’incohérence en répondant par l’incohérence. En d’autres mots, on ne combat pas les accusations infondées envers les musulmans en étiquetant les actes vils des autres « d’actes terroristes ». Vouloir imposer un traitement injuste à tout le monde est justice illusoire. Peut-être qu’un jour, on finira par sortir de cette vision binaire, celle qui sans cesse oppose, pour enfin s’unir. Pour le moment, faisons en sorte que nos mots, lancés comme des pavés dans la mare internautique, ne soient pas juste quelques lettres, mais des idées et des convictions équitables sur le monde.

Imambajev Nikita