Accoutumée aux querelles communautaires et aux perpétuelles crises politiques, la Belgique avait, depuis plusieurs années, soif de renouveau. La nécessité de recouvrer un sentiment de fierté et d’appartenance pesait de plus en plus sur le plat pays, au sein duquel une indifférence mutuelle règne entre le nord et le sud. Et ce vent nouveau, elle le trouva au pays du football.

Dans nos sociétés modernes, le sport a acquis une telle ampleur qu’il est presque devenu un monde à part entière où se joue une concurrence loyale et pacifique entre les nations. Facteur d’épanouissement personnel et vecteur de citoyenneté, le sport est un langage universel qui promeut des valeurs essentielles tant sur le plan du développement personnel que collectif.  Il a, par ailleurs, depuis toujours rapproché les gens. En effet, quelle que soit la manière dont il est pratiqué, le sport permet d’appréhender l’esprit d’équipe, la coopération, le respect d’autrui, le goût de l’effort, l’envie de progresser…

Comportant une dimension sociale non négligeable, le football est aujourd’hui le sport le plus populaire au monde. Cette pratique collective renforce même l’identité des citoyens et la cohésion au sein d’un groupe. En effet, une fois sur le terrain, les différences culturelles et les privilèges s’évaporent et les clivages sont ainsi comblés. C’est ainsi que depuis deux ans environ, un nouvel enthousiasme s’est développé autour de notre équipe nationale de football.

Après avoir été durant douze ans sur les bancs des grandes compétitions, les Red Devils ont accompli un parcours réussi avec douze rencontres sans défaite et un 9 points sur 9 lors du premier tour de ce Mondial 2014. Les quatre victoires de l’équipe nationale au Brésil ont entrainé un engouement populaire qui fut l’occasion pour les Belges d’afficher une spécificité nationale et de surmonter les barrières sociales. D’ailleurs, le mondial est toujours un évènement médiatique de grande envergure. Pour tout pays, être au centre de l’actualité mondiale pendant quelques semaines permet de diffuser un message d’ouverture, d’hospitalité, et d’améliorer son image.

Charismatique et passionné, l’entraineur des Diables rouges, Marc Wilmots, est parvenu en deux années à redonner au public le goût des Diables et aux Diables le goût de l’équipe. Et non seulement l’équipe nationale est (re)devenue une nation qui compte dans le monde footballistique, mais elle est surtout devenue un phénomène de société dans le pays.

Durant tout le mondial, des milliers de bannières et de maillots aux couleurs noir-jaune-rouge arpentaient les rues nous rappelant que la Belgique, aussi, possède un drapeau. Match après match, l’intérêt pour les Diables ne cessait d’augmenter, d’abord au sud du pays, avant de gagner la Flandre, où il est plus rare de voir flotter le drapeau belge. Chaque rencontre qualificative des Diables était suivie de klaxons, de cris de joie, d’accolades. Toutes les manières étaient bonnes pour fêter la réussite des Diables. Bref, grâce aux performances des Diables, les Belges ont retrouvé le sens de la fête.

Cette euphorie nationale régna jusqu’à la dernière confrontation des Belges, soldée par une victoire argentine sur la pelouse de Brasilia et venant teinter d’amertume la réjouissance des supporters. Mais comme disait Pierre de Coubertin : « L’important dans la vie, ce n’est pas le triomphe, mais le combat. L’essentiel n’est pas d’avoir vaincu, mais de s’être bien battu ».

Aujourd’hui dans ce pays où l’autodérision est privilégiée et où la modestie est scandée comme valeur première, le succès n’est plus un obstacle et nous pouvons même nous en réjouir avec fierté. Le parcours des Diables a rassemblé le pays et résonne comme la promesse d’un avenir plus radieux grâce à cette génération dorée. La réussite de l’équipe nationale a fait planer sur tout le pays un semblant d’unité, faisant presque oublier les résultats du dernier scrutin législatif prônant l’évaporation du pays. Véritable attachement au pays ou simple parenthèse éphémère, les doutes quant au futur du pays auront été, le temps d’une compétition, dissimulés derrière du maquillage noir-jaune-rouge…

Chaïmae Ouaret