Elle le ressent, ce vide d’espoir et ces continuelles incompréhensions. Elle a appris à vivre avec, au rythme de ses sombres journées et de ses sommeils agités. Le décor obscurcit d’un voile gris ses rêves et ses vocations. À la veille d’autant d’atrocité, elle pressentait cette culpabilité infligée. On lui façonne une identité amère sans lui laisser l’occasion d’en débattre, sans lui laisser la chance d’un face à face. Elle ne se reconnait pas, elle ne se reconnait plus. 

Comme une lettre postée sans nom, on lui dit « mais ces mots sont les tiens, tu es l’auteur de ces vils écrits ! ». Néant. Elle n’en connaissait guère l’existence, elle n’a jamais posé ces actes ni voulu suivre cette destinée. « Au diable ta liberté de pensée ! Tu es ce que l’on dit que tu seras ».

Pendant ce temps, elle n’arrive plus à pleurer les véritables morts, car elle ne sait plus comment souffrir pour l’autre quand elle souffre autant pour elle même. Elle se regarde au travers de multiples miroirs qui se font reflet. Coincée dans la peau du coupable, coincée dans la peau d’une victime. Schizophrénie à double tranchant.

C’est le chaos ! Une mort lente qui accable tant de personnes comme l’on abattrait des colombes en plein vol. Une mort tellement silencieuse que nos pas foulent les sentiers des tombes, sans que l’on s’en aperçoive. Malgré tout, dans ce sombre sillage, elle tente de construire l’image de son véritable message, le sens de sa véritable foi. Personne n’entend. Elle n’est que le collage brouillé de centaines de préjugés, de milliers de faux-semblants.

Elle, c’est une population. Elle, c’est une communauté qui se tasse dans la peur. Elle aimerait montrer au monde la lumière de son coeur, crier son désarroi et détruire ces barrières de peur et d’ignorance.  Hélas, elle connait le danger que représente le luxe d’une utopie bien construite. Le chemin suivra son cours.

L’on ne pourra se barricader contre les flux d’une rage affligeante. L’on ne pourra se protéger d’une haine dévastatrice et d’une turpitude sans limites. Dans son âme et conscience, elle sait que nulle protection ne vaut la transcendance. Cette foi inébranlable que derrière ce théâtre humain, la Main de l’éternel connait les répliques et la coda de chacune des sombres mélodies animant notre Histoire.

Ô population, compose ta paix dans la terreur. Il sait. Quand nous, nous ne nous savons rien.

Bahija ABBOUZ