Il y a encore quelques semaines, j’étais une dépendante. Une dépendante affective, une dépendante de l’approbation des autres, une dépendante du bonheur des autres, une dépendante de la perfection. Et puis, un jour, quelqu’un m’a dit ceci : « Mais au fond, si tu n’es pas parfaite, puisque de toute façon personne ne l’est, où est le problème ? ». J’ai d’abord pensé que cette personne était tout bonnement folle. Qu’est-ce que cela changeait ? Mais absolument tout.

Absolument tout. Vraiment ?

Nous vivons dans une société de force. Une société promettant aux individus des rêves de toute puissance, des rêves de gloire et d’échelons gravis à la vitesse de l’éclair et malheur à ceux qui dégringolent. Nous sommes donc très loin des « perdants magnifiques » de Léonard Cohen. Et pourtant, ces principes sont à l’exact opposé du principe même de la vie. Notre existence ne peut se dérouler constamment dans la puissance et le pouvoir. Ne jamais s’autoriser à aller mal consisterait finalement à s’autodétruire. Lancés dans notre course folle, nous perdons notre attention         aux autres, notre empathie, nos capacités de réflexion. Projetés sans cesse vers l’avenir, l’argent, le besoin de reconnaissance de nos pairs, nous ne prenons plus le temps de nous arrêter. Juste quelques instants. Un moment de repli sur soi pour réfléchir à nos buts, nos projets. Ou à ce qui nous rend heureux ?

Et pourtant, prendre le temps de s’arrêter sur ses failles boosterait notre confiance en nous. Plutôt que de s’infliger une pression jamais pleinement satisfaite finalement, il conviendrait plutôt de faire une pause. Lorsque nous traversons des moments de « down », des moments de doutes, d’incertitudes, de colère profonde, des moments où l’on se sent plus fragiles, pourquoi ne pas s’en servir pour remonter deux fois plus haut ? Considérer les obstacles permet de mieux les franchir. Les nier mène tout droit à l’échec.

Lorsque nous nous sentons fragilisés, nous sommes contraints de nous « débrancher », de nous mettre en retrait. Dans ces moments-là, nous nous reconstruisons, nous nous reconstituons et développons davantage notre sensibilité ; nos sens et notre fragilité s’aiguisent. Selon les psychanalystes, la fragilité est d’ailleurs ce qui fait la singularité de chacun. Nous portons en nous des failles et le fait de les reconnaître et de les accepter permet d’avancer et de ne plus les porter comme des fardeaux.

Pour ce faire, il est également nécessaire de remettre nos priorités à la bonne place, de s’écouter et de ne plus taire nos besoins. Honorer ce qui est prioritaire en lui consacrant de l’espace. Cette conviction profonde nous permettra, par la suite, de nous donner la motivation nécessaire pour transformer nos pensées en actes concrets et réalisables. En fin de compte, c’est notre « état d’être » qui change et qui permet à tout un mouvement de se mettre en place sans que nous ayons à faire quoi que ce soit. Se recentrer sur soi opère un relâchement intérieur très salutaire.

Nous ne sommes pas seuls et n’avons pas à forcer et à imposer notre volonté pour arriver à nos fins. Dans les moments de contraction intérieure, où tout semble difficile, lourd et ardu, nous pouvons réaligner nos priorités, leur faire une place dans notre vie et enchainer avec des gestes cohérents. Il s’agit d’un relâchement intérieur qui est subtil, mais qui peut avoir une grande portée et de grandes conséquences. En le faisant, nous invitons la vie à faire équipe avec nous et d’initier le mouvement de magie. On s’aligne dans notre propre chemin et on assiste à de petits et grands miracles.

Nous avons tous besoin de plus de magie et il ne tient qu’à nous de la créer.

Alexia ZAMPUNIERIS