Kenya, septembre 2013 : un groupuscule terroriste fait irruption dans un centre commercial situé à Nairobi et procède à une tuerie organisée. Le constat est accablant, 62 victimes et plus de 200 blessés. Oui, vous l’avez bien lu. 62 corps, d’hommes, de femmes ou d’enfants gisent sur le sol du bâtiment. L’acte est repoussant, déroutant, immonde. Depuis le samedi 21 septembre, environ 62 vies ont été prises, volées au détriment de leur volonté. Environ, oui car on nous parle de chiffres approximatifs. À partir d’un certain seuil, on ne dénombre plus. C’est triste, mais « que veux-tu ? » me dira-t-on.

Je n’ai pas les mots fidèles à mon dégoût le plus profond. Je ne les aurais jamais, sans doute. Je pense à tous ces visages disparus. Tantôt à ce père qui est parti acheter un cadeau à sa tendre fille et qui ne reviendra plus. Tantôt à ce couple qui partage son dernier moment d’union. Je ne vous le cache pas, mon humanisme en a pris un sacré coup.

Au nom de Dieu disent-ils. Ha bon ? Est-ce la recette pour honorer Sa volonté ? Et là, en quête de réponses dû à son incompréhension, que le monde se tourne vers la communauté concernée. En retour, c’est l’adoption d’une position victimaire, assez lâche dirais-je. Cette communauté, ma communauté, se démarque par son mutisme, par l’absence de débat. Bref, c’est le silence des agneaux.

« Où sont passés les protestataires ? Dont le “non” est un signe, la résistance un étendard ? ». Où sont passés ceux qui s’opposent face à l’oppression, quelle qu’elle soit ? À la place, on se dédouane comme on peut, on abreuve l’opinion publique d’excuses simplistes.

« Ô vous qui croyez ! Observez la stricte vérité quand vous témoignez devant Dieu, fut-ce contre vous-mêmes, contre vos parents ou vos proches. Que ce témoignage concerne un riche ou un pauvre, Dieu porte plus d’intérêts à l’un et à l’autre que vous-mêmes […] ». Cette bribe d’une sourate coranique, qui figure parmi les citations de la célèbre université d’Harvard, est tombée dans l’oreille d’un sourd. Muette, fragilisée par les préjugés, la population se cantonne à fermer les yeux alors que le reste du monde attend la manifestation d’une condamnation.

À quand un vrai soulèvement autocritique ? Des mobilisations pour dire « stop au terrorisme » afin de brandir le drapeau de la justice ? Et là, atteinte d’une surdité surprenante, la communauté se tut.

La révolution vient de l’intérieur. Moi, en ce moment précis, j’ai l’impression d’être dans une coquille vide. C’est triste. En tout cas, je le dis haut et fort : JE CONDAMNE ces actes. Et pas question de trouver des alibis, car il n’y a pas de fumée sans feu. Je le redis, la révolution vient de l’intérieur. Mon avis aura peut-être l’effet d’un coup d’épée dans l’eau, mais celui qui s’abstient de prendre la parole fait abstention de justice. Pourtant, Dieu est avec les justes. Bref, je pense au Kenya, à toutes ces vies, et j’ai mal à ma foi.

Nikita Imambajev