Oh oui, je sais parfaitement ce que vous vous dites à cet instant précis- ou du moins, j’en ai une idée assez claire : encore une qui est restée un peu trop confinée et qui perd la tête. Bien que je ne puisse pas vous donner totalement tort, je souhaiterais tout de même que l’on réfléchisse ensemble à cette éventualité. De toute façon, soyons honnêtes, et sans vouloir dénigrer qui que ce soit, vous n’avez pas grand-chose d’autre à faire.

Quel drôle de moment nous sommes en train de vivre, n’est-ce pas ? Depuis mercredi 18 mars à midi tapant, mon pays- la Belgique- se retrouve en état de « confinement », tout comme l’ont été avant lui l’Italie et la France. Une bien étrange période durant laquelle les magasins dits non essentiels sont fermés, ainsi que les cinémas, les bars, les restaurants, les écoles ou les clubs. Une décision ferme pour nous permettre de protéger nos grands-parents, nos familles, nos enfants et nous-mêmes.

Chaque période de l’Histoire a connu une crise épidémique et nous sommes actuellement en train d’en vivre une nouvelle. Chacune de ces épidémies nous oblige à adapter nos comportements et nos traditions.

Si tout un chacun- je l’espère- comprend aisément que sans ces mesures drastiques, nous ne parviendrons jamais à venir à bout de ce virus, il n’empêche que le temps s’est arrêté. La peur est devenue réelle, les jours se sont mis à se ressembler.

Il n’est pas question ici de prendre parti, de blâmer ceux qui pensent qu’on en fait trop ou de traiter les autres de catastrophistes. Nous ne saurons jamais si tout cela était indispensable, mais ne vaut-il pas mieux rester chez soi trois, quatre ou dix semaines plutôt que de pleurer nos absents ?

Fini d’aller déposer les enfants à l’école, de prendre le métro pour se rendre au travail, d’aller faire les magasins ou de voir un film au cinéma. Il a fallu se trouver d’autres occupations. Plus de réunions de travail, de repas de famille ou de soirées entre amis.

Réapprendre à vivre simplement, avec moins. Dans toute cette frénésie du « plus, toujours plus », réapprendre à se contenter du peu. Et en être heureux. Trouver un contentement dans la simplicité. Se surprendre à entendre le silence, à l’apprivoiser. Se délecter de la douce mélodie du chant des oiseaux et du vent qui secoue les branches des arbres. Se taire pour laisser parler la nature. Et l’écouter. Je pense n’avoir jamais vu autant de personnes se balader ou promener leur chien que depuis aujourd’hui. Reprendre contact avec des personnes lointaines, prendre des nouvelles. Se parler, mais à distance.

Soudainement, c’est comme si toutes les envies et les tentations du quotidien avaient changé de priorité dans nos vies. Plus question d’acheter le nouvel iPhone, de se ruer sur les commandes de vêtements en ligne ou de vouloir absolument arborer les dernières chaussures à la mode. Nous chérissons la simplicité.

On décide plutôt de s’occuper de son jardin ou de jouer avec les enfants. Comme je l’ai lu sur un blog : « La diminution de la pollution liée à cette quarantaine bientôt mondiale sauvera probablement plus de vies qu’elle ne protégera du Coronavirus. »

Tandis que nous devenions des habitués de la nourriture industrielle, il va falloir réapprendre à cuisiner et à apprécier le moment passé devant le repas ; habitude largement perdue lorsque l’on sait qu’en moyenne, en Belgique, 15 minutes seulement sont accordées à chaque repas.

Et le printemps, lui, a pris le dessus. Alors, sans se soucier d’un quelconque covid19, et sous un soleil brillant, les fleurs ont poussé, les oiseaux ont chanté et tout est devenu plus vert. Sous un ciel bleu et un matin qui se levait chaque jour plus tôt, Venise s’est réveillée. Ses eaux se sont assainies et poissons et cygnes y sont revenus. Wuhan, la ville chinoise foyer de l’épidémie, a vu sa pollution diminuer de 45% depuis le confinement. Une étude finlandaise a démontré que la paralysie des usines chinoises a permis, en deux semaines seulement, de faire baisser de 6% la pollution mondiale. Nous respirons mieux, mais avec des masques.

Plutôt que de vivre dans l’angoisse de ce confinement imposé, voyons-le comme la réponse ultime à toutes ces heures passées à essayer, à notre échelle, de réduire notre impact écologique. Trouvons là un moyen de se rattacher à des valeurs que nous avions complètement perdues.

Est-ce qu’un retour à la normale sera possible ? Non et heureusement. Il y aura des changements profonds, et c’est la règle. Actuellement, c’est la recherche interne que l’on doit viser. Ce confinement obligatoire nous oblige à nous reconnecter avec les valeurs de nos grands-parents. Plus de temps accordé à la famille, au travail dans le jardin. Nous aurons à nouveau établi un contact avec la nature et nous aurons appris à la respecter.

J’ai l’espoir qu’après cette période bénéfique, bien qu’actuellement traumatisante, les Hommes pourront prouver que le télétravail est efficace et qu’il n’est plus si indispensable de faire 2 heures de trajet par jour pour se rendre à son bureau. Certains métiers dénigrés ou délaissés seront remis à l’honneur : facteur, éboueur, aide-soignant, assistants sociaux.

On découvrira que les caissiers, restaurateurs et enseignants nous sont essentiels et que les ordinateurs ne peuvent remplacer l’Humain, que la lecture est un passe-temps à remettre au goût du jour et que l’écoute de soi prime sur le reste.

J’espère réellement que cette progression climatique positive aura réussi à prouver qu’un ralentissement était indispensable et que nos enfants n’auront pas à nous reprocher d’avoir su nous arrêter en 2020 et d’avoir repris de plus belle dans les mois qui auront suivi. J’espère également que nous serons convaincus que notre santé nous appartient, que nous en sommes responsables et qu’elle ne doit plus être monétisée.

Cette réunion si importante qui nécessite de sacrifier une soirée en famille, ce dernier dossier à terminer, ce meeting à préparer, ce match de foot ou ce rapport à remettre n’auront, je le souhaite, plus la même importance qu’avant. Parce qu’il y aura un avant et un après « covid-19 ». Il est presque cynique de constater que nous consacrons tout notre temps, toute notre énergie à d’innombrables futilités alors que l’essentiel se trouve sous nos yeux.

Et enfin, j’espère sincèrement que lorsqu’une nouvelle épidémie reviendra dans 20 ans, 30 ans ou 40 ans- car nouvelle épidémie il y aura- nous saurons nous remettre en question, remettre en question nos modes de vie ou nos valeurs, sans faire l’autruche derrière nos montagnes de papier toilette.

Alexia Zampunieris