Il aurait fallu que le soleil s’éclipse ce jour là,

Que les étoiles s’éteignent et que les fleurs se referment,

Il aurait fallu que le silence brise cette voix,

Que ces mots se décomposent, que les langues se lient,

Il aurait fallu se tourner le dos,

Dominer la colère,

Noyer les regards incendiaires,

Bâillonner les cœurs.

Oui,

Garder le sang froid,

Rester caché derrière les murs,

S’éviter –encore une fois

Il aurait fallu baisser la garde,

Renoncer,

Fermer les yeux,

Sortir et claquer la porte.

 

Certes, on finit par la cogner cette porte,

On finit par l’arracher même, après s’être arraché les tripes

Après avoir succombé à la discorde

On se laisse battre, encore et encore.

Doucement puis de plus en plus fort,

 

On se met malgré tout d’accord pour se provoquer,

On se tourne autour comme le feraient des lions en cage,

On surenchérit.

La geste de trop,

Le mot de trop,

Le regard de trop,

On attend « la goutte », la fameuse, celle qui fait déborder le vase.

Jouer à la guerre froide ne suffit pas, on cherche la merde, à croire qu’on aime ça.

 

Tâtons-nous, puis hâtons-nous de déchaîner les passions,

Détruisons l’amour.

Pille moi de tes richesses, je te dévasterai,

Dépouille moi de toi, je te ruinerai

Et j’emporterai le butin quand j’aurai le cafard.

 

Au front chacun mène sa bataille,

Le cœur de l’autre en main,

Qui pressera le plus fort.

 

Qui hurlera, qui se taira,

Qui a raison, qui a tort,

Qui sait quoi, qui ne sait pas,

Qui s’est égaré, qui a perdu

Qui est parti, qui t’a laissé,

Qui a fermé cette putain de … ?

 

Et puis il y a cette chaleur qui enveloppe le cœur quand le sang bout et que l’estomac se noue,

Un feu de bois dans la poitrine.

Des battements qui nous dépassent.

On fatigue mais on ne se lasse pas,

Alors on continue à courir sur ce terrain vague jusqu’au dernier souffle,

Les reproches puis les injures, c’est toujours sur le même refrain que l’on valse

On danse d’un pas lourd jusqu’à ce que la litanie prenne fin.

 

Enfin, tout s’arrête. Tête en main

Maintenant le temps se suspend

Pendant que le chaos nous habite et,

Donne écho à notre égo,

Se clore et se tordre au milieu de se désordre

On a eu tort et on s’en mord les doigts

D’abord on n’en dort pas, on fait les cent pas,

Et on marche sur nos remords,

 

On remâche les mots qu’on aurait dû avaler

Puis on se rappelle de ceux qui retournent l’estomac,

Qui cognent et qui bouleversent,

Ces mots qui donnent la joie puis qui la retirent,

Ces mots qui malmènent et qui hantent,

Qui nous marquent au fil des ans et qui nous creusent les joues.

On se répète sans cesse ces mots qui ruinent, qui rendent le paysage méconnaissable et qui changent nos vies.

 

Ce nouveau décor,

On s’y accommode avec peine,

Des haut-le-coeur qui chuchotent le chagrin au réveil,

On broie le café en buvant du noir –ou le contraire-,

En tête à tête avec soi même, on se redécouvre,

On se fait violence puis on s’amadoue,

On se dit pardon et on se jure « plus jamais ça »,

 

Petits plaisirs quotidiens, on tente,

Mais tout est fade,

On n’aime plus rien, ni le chocolat ni les virées entre amis,

 

Se disséquer l’esprit pour en découdre

Puis ordonner un cessez-le-feu

S’asseoir et s’écouter parler,

 

Après les « si »,

On passe ses journées à corriger des maladresses et remettre des idées en place,

On balaye les coups de crasse et on passe l’éponge sur le reste,

On sort de chez soi, on quitte son embarras quelques heures pour reprendre goût à la vie,

On fait semblant d’être heureux –juste un peu

Un peu d’illusions tant que ça fait du bien…

On s’égare, un peu à gauche, un peu à droite, on avance, puis on recule,

On titube jusqu’au petit matin, histoire d’oublier un peu –juste un peu

Car au fond,

Qui ne s’absente pas de soi pour échapper à ses tourments ?

 

Abou Taha Souha