On peut le dire, l’année qui vient de s’écouler a été déstabilisante pour l’Europe. Face à un afflux massif de réfugiés venant du Moyen-Orient principalement, l’accueil de ceux-ci ainsi que la protection des frontières ont été au cœur des débats. A ne point en douter, la question des migrants ou réfugiés, quelque soit le nom qu’on veut bien leur donner, va encore occuper les premières pages de nos journaux, et donner naissance à de longues joutes dans les parlements européens.
Face à cette situation que certains qualifient d’invasion, les partis d’extrême droite ne cessent de grimper, nourris par les votes de populations effrayées de voir leur identité se diluer, et leur niveau de vie dégringoler. Pour lutter contre la montée des porteurs d’idéologies extrêmes, les partis politiques traditionnels, souvent en manque de créativité, essayent d’être plus catholiques que le pape. Comprenez par là : être plus extrémiste que les extrémistes. C’est ainsi que, en ce moment, le parti socialiste en France propose la déchéance de nationalité pour les binationaux. Une idée portée depuis de longues années par le Front national. Plus au Nord, le gouvernement libéral minoritaire au Danemark a la bienveillance de vouloir confisquer les biens des demandeurs d’asile. En Belgique, des hommes politiques suggèrent d’amender la Convention de Genève, pour que les pays puissent avoir légalement le droit d’envoyer les demandeurs d’asile dans un autre pays. Ceux-là mêmes qui sont protégés par la Convention. Les « astuces » pour se débarrasser des demandeurs d’asile sont nombreuses, et l’imagination de certains pays n’a pas de frontières, pas même celles du droit international. Parmi ces pays à l’imagination débordante, deux ont attiré notre attention, l’Allemagne et Israël.
Changement de nationalité des migrants
C’est l’hebdomadaire allemand Der Freitag qui nous révèle cette histoire. En difficulté lorsqu’il s’agissait de renvoyer des migrants de certains pays, les autorités allemandes se sont tournées vers certaines ambassades africaines. « Moyennant finances, ces dernières attribuent aux migrants des origines, la plupart du temps fictives ». A noter que de nombreux demandeurs d’asile arrivés en Allemagne ne sont pas en possession de leur papiers d’identité ou ceux-ci sont détruits par les concernés avant l’arrivée à destination par peur de renvoi dans leur pays respectifs. L’expulsion ayant souvent pour obstacle une nationalité non établie du demandeur, le problème a été contourné par l’affectation de nationalité à ces migrants qui n’en ont pas. Un système d’auditions – 3 à 5 minutes d’interview sans avocat ni interprète – a été mis en place. Le staff des ambassades est chargé de détecter si l’interviewé est un ressortissant de leur pays. Si la supposition est confirmée, le demandeur d’asile se voit attribuer un passeport de substitution qui permet l’expulsion. Beaucoup de migrants ne sont pas en mesure de comprendre le procédé et se retrouvent dans une situation délicate. Un procédé, soutenu par le gouvernement allemand et la police fédérale, qui est « tout sauf sérieux » selon le journal Der Freitag. Un autre élément alarmant, la prestation du personnel des ambassades. En effet, dans le cas du Nigéria, les employés de l’ambassade touchent 250 euros par entretien avec 250 euros en prime en cas d’identification. “Pour l’Allemagne, cela revient moins cher qu’une autorisation provisoire de séjour de plusieurs mois pour ces migrants.”
Expulsion vers des « pays tiers »
Une autre procédure également discutable vient cette fois d’Israël, c’est celle de l’expulsion vers des « pays tiers ». En avril 2015, dans un communiqué du ministre israélien de la Justice, cette notion de transfert vers des « pays tiers » d’Afrique de l’est a vu le jour. Celle-ci concernerait les clandestins africains présents sur le sol israélien, « qui se sont infiltrés en Israël et ne peuvent être expulsés vers leur pays d’origine ». Ces migrants, venant pour la plupart de pays comme le Soudan ou l’Erythrée ravagés par la violence, sont détenus en plein milieu du désert, dans le centre de rétention de Holot. Selon le gouvernement israélien, ces individus menaceraient la sécurité et l’identité de l’Etat juif. Il ressort du rapport publié par Assaf et Hotline for Migrant Workers, deux organisations qui ont enquêté sur ce phénomène, que ces « pays tiers » d’Afrique de l’est dont il est question sont le Rwanda et l’Ouganda. « Selon le rapport, l’accord entre Israël et le Rwanda prendrait la forme de subventions sur l’achat de technologies israéliennes, notamment agricoles ». D’après les témoignages de personnes ayant été renvoyées au Rwanda ou en Ouganda, et que la BBC Africa a pu interroger, une fois arrivées dans le pays de destination, elles voient souvent leurs papiers confisqués. Elles se retrouvent dès lors livrées à elles-mêmes ou sont prises en charge par des réseaux de trafic d’être humains.
Nikita IMAMBAJEV