J’avais besoin de quelque chose de nouveau dans ma vie. Lassé par la culture fast food que je gobe à longueur de journée, j’étais en quête d’une vraie ration de culture, en espérant raviver la flamme de mes émotions endormies. Après avoir parcouru l’éventail culturel bruxellois, j’ai opté pour la réédition de la pièce de théâtre Fruit étrange(r) produite par l’asbl Ras El Hanout. Ce collectif de comédiens a décidé de remettre à jour le spectacle âgé de 5 ans. Quelques coups de tapisserie sur le scénar’, Fruit etranger(r) revient sur les planches avec une version remise au gout de l’actualité.


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Un jeudi soir, je saute dans le métro direction Porte de Namur. Les escalators remontés, je hâte le pas à cause de mon habitude maladive : le retard. Quelques instants dans la file, je m’introduis dans la salle de théâtre. Elle est pleine à craquer. Tous sont venus voir ce fameux spectacle inspiré de la chanson « Strange fruit » de Billie Holiday. Vieux de plus de 70 ans, le morceau dénonce le racisme et la ségrégation institutionnelle aux États-Unis.

Un coup d’œil sur ma gauche, suivi d’un autre sur la droite, je cherche un siège vide. Comme pour être en harmonie avec le thème de la pièce, j’ai soudainement le phrasé d’un des morceaux de Booba qui raisonne dans ma tête : « Je pose mon cul où je veux comme Rosa Parks ». Un geste en guise de salut à mon voisin de gauche, je m’assieds sans partager mes charmantes réflexions intérieures. La lumière s’éteint dans la salle et la représentation commence…bon, je ne vais pas vous spoiler les passages de la pièce, mais, à première vue, cette dernière a tout d’un air d’une énième histoire d’un Arabe, d’un Noir ou d’un Juif. Sauf qu’ici, nous ne sommes plus dans un tapage réducteur sur la discrimination. Nous sommes dans une subtilité, un langage pesé et des mises en situation diverses et variées chevauchant les époques. Fruit étrange(r), c’est des histoires humaines avant tout. Des vies, aux cernes soucieux, qui accompagnent la nôtre, côte à côte chaque jour. Elles sont d’origines diverses, confrontées de près ou de loin à la discrimination directe ou pas. Amenés avec un humour décomplexé, ces vies nous amènent à réfléchir sur différentes thématiques : discrimination à l’embauche et au logement, délit de faciès, discrimination indirecte, la question migratoire, le racisme structurel, etc. Toutes ces vies sont dans le même panier, celui de l’inégalité. Pour couronner le tout, la pièce hybride est rythmée par des entractes poétiques et raffinés. Le kiff.

Avec des personnages avenants et un discours poignant, Fruit etrange(r) est un spectacle qui touche. Le long applaudissement du public à la fin de la pièce en est la preuve. En espérant que d’autres mains prennent le relais et fassent de même en perpétuant cette ode à la diversité. Par ailleurs, la prochaine représentation se tiendra au Théâtre 140, le 23 février 2016. Je vous invite à voir cette pièce qui a la capacité de sensibiliser et d’illuminer les cœurs, même les plus bancals.

 

Nikita IMAMBAJEV

Plus d’informations disponibles sur le site du Ras El Hanout.