Selon l’ONU, Alep-est pourrait être détruite d’ici à la fin 2016. Une situation alarmante, incarnée par les bombardements et le prix du sang des civils sur place. L’accentuation des attaques depuis la fin de la trêve le 19 septembre à l’encontre de l’opposition alerte l’opinion internationale, impuissante. La capitale économique de Syrie n’est plus qu’un tas de ruines.


Une réunion d’urgence avait été organisée à l’ONU afin de trouver un accord de cessez-le-feu ce 8 octobre. Une rencontre entre les États qui s’est soldée par un refus des Russes de la proposition franco-espagnole. La résolution proposée réclamait la fin des survols aériens à Alep ainsi que l’arrêt des bombardements. Depuis deux semaines, les forces aériennes russes et syriennes bombardent la ville, où sont retranchés 250 000 habitants, avec l’intention ferme de faire plier les forces rebelles d’environ 20 000 combattants. Avec le refus catégorique de cette proposition des Russes, la cessation des hostilités n’est donc pas à l’ordre du jour. Depuis 2011, la Russie refuse d’adopter une hypothétique résolution dans le dossier syrien.

Carte de la ville d’Alep.

À l’inverse, les Russes, par le biais de Vitaly Tchourkine – représentant de Mouscou à l’ONU -, ont mis sur la table une proposition assez similaire, sans mentionner l’arrêt des bombardements. Neuf pays, dont la France et les États-Unis, n’ont pas accepté l’offre. Deux résolutions qui ont été jetées aux oubliettes au plus grand désarroi des civils syriens, pris en tenaille par les bombardements quotidiens.

Les quartiers assiégés sont déserts. Pourtant, de nombreuses âmes vivent à Alep, sous le bruit de bombes. Depuis 2012, de centaines de milliers de personnes ont fui les lieux. Celles qui sont restées sont soit des personnes en manque de moyens pour entreprendre un voyage sans retour (ou presque), soit celles qui estiment que cela ne sert à rien au vu des fermetures des frontières turques et la déstabilisation de la Syrie, soit celles qui soutiennent les forces rebelles ou leurs familles.

© Twitter / Bana Al-Abed

Depuis le début de l’offensive du régime et de son allié russe, une fillette de 7 ans raconte son calvaire sur Twitter. Elle s’appelle Bana Al-Abed. Avec sa mère Fatemah, la jeune fille immortalise sa souffrance avec des messages de 140 caractères balancés sur les réseaux sociaux. « J’ai besoin de paix » lance-t-elle le 24 septembre. Les mots « peur », « bombe » ou « danger » sont d’une banalité affligeante pour ce bout de femme qui commence à peine sa vie. La petite Syrienne compare les bombes à la pluie. Il pleut sur Alep. Chaque jour. Chaque instant. Chaque inspiration est un décret qui se savoure. Dans une vidéo, elle pointe son doigt vers ce qui était son jardin : « Ca c’est notre jardin bombardé. Maintenant, je n’ai nulle part où jouer ». A Alep-est, aux mains des rebelles, aucun quartier n’a été épargné. Chaque recoin de la zone est a été bombardé au moins une fois. Pendant ce temps, la petite Bana continue de lire pour oublier la guerre.

Depuis les raids, le bilan est sanglant. Plus de 300 personnes, dont des enfants, ont été tuées depuis le début de l’offensive. La plupart sont des civils. « Arrêtez de bombarder maintenant. Je veux dormir. Je suis fatiguée », écrit Bana, avec l’espoir frêle d’une enfant de sept ans. Sa mère Fatemah décrit le quotidien dans lequel sont embourbées des centaines de familles sur place. « Ici, tout le monde est sauveteur. Bientôt, nous allons tous devenir médecins pour nous soigner nous-mêmes. Merci, Poutine et Assad », désespère Fatemah, professeur d’anglais. À Alep-est, plus aucune ONG internationale n’est présente physiquement sur les lieux. Selon Benjamin Barthe, correspondant au Liban du Monde, « des ONG, comme MSF, soutiennent financièrement certaines structures de santé. Avant le siège, quand il était encore possible de rejoindre Alep-est depuis la Turquie, elles acheminaient du matériel et organisaient des formations en Turquie. Mais cela fait longtemps qu’elles ont retiré leur personnel étranger d’Alep et de tout le nord de la Syrie. C’est d’ailleurs l’une des particularités du conflit syrien, le fait que le personnel de santé local est laissé à lui même ». Selon des sources humanitaires, les hôpitaux disposent de 3 mois de fuel. Par la suite, les générateurs ne tourneront plus. Les boulangeries n’ont plus que 15 à 20 jours de farine. Ce qui veut dire qu’au-delà d’une trentaine de jours, le pain sera une denrée quasi-inexistante à Alep-est.

Tout comme les feuilles d’automne, les bâtiments à Alep continuent leur chute. Bana poste aussi des images et des vidéos. Le 26 septembre, elle est effondrée. Son amie et voisine est morte. « Elle me manque beaucoup », confie-t-elle en accompagnant une photo d’un bâtiment en ruines. À l’heure où nous écrivons ces lignes, en ce 9 octobre, Bana donne toujours de ses nouvelles. « Aujourd’hui, c’est calme. Nous avons du beau temps », tweete sa maman. Son récit a fait le tour du monde et le monde lui a renvoyé des messages de soutien et de réconfort. « Je serai la personne la plus heureuse au monde si la guerre à Alep se termine », songe Bana. Pour l’instant, le jour de paix est en retard.

Nikita IMAMBAJEV