« Pour connaître les hommes, il faut les voir agir », disait un certain Jean-Jacques Rousseau. Suite au meurtre d’Hervé Gourdel, otage français décapité en Algérie, une campagne du nom de « #NotInMyName », lancée par de jeunes musulmans britanniques, a trouvé un écho en France. Le mouvement, après avoir traversé la Manche, est cependant froidement accueilli par les citoyens français de confession musulmane. Le débat est ouvert.
Mobilisation sur les réseaux sociaux, manifestations devant des mosquées, marches silencieuses, comme ce matin à Nice, une bonne poignée d’actions ont été menées en France en mémoire du défunt. Cependant, une dichotomie s’est très vite dessinée au sein de la communauté confessionnelle. Comme le témoigne le débat entre Farid Louali, représentant de Dignité Musulmane, et de Mohammed Moussaoui, président de l’Union des mosquées de France, les esprits s’échauffent. Accusations abjectes, procès d’intention et imbroglio cérébral raisonnent et font de ce débat un duel à outrance. Après avoir contemplé cette chamaillerie de plateau, sans consistance ni d’ombre de résultat, vint le vide de sens.
Comment peut-on décrédibiliser avec la plus grande virulence des démarches, bien que discutables, telles que « #NotInMyName » ? Quid de l’assignation. Le raisonnement consistant à dire que les musulmans n’ont pas à répondre des exactions commises par l’État islamique et d’autres entités terroristes tient la route. Toutefois, il ne faut pas que cela devienne un prétexte pour se retrouver, posture passive, les bras ballants. Quelle est l’alternative que proposent les opposants à ces initiatives ? Le silence et l’inaction. Oui, vous l’avez bien lu. Le silence et l’inaction. « Non aux médias qui nous manipulent ! » disent-ils. « On doit se faire entendre par nous-mêmes ! » affirment-ils. Paradoxe oblige, lorsque des voix musulmanes s’élèvent avec l’étendard de l’islam, c’est-à-dire un drapeau blanc, elles se font aussitôt mutiler par leurs confrères cultuels. J’aurais tendance à croire que cette communauté qui est la mienne a le syndrome de celui qui a tué Malcolm X. Un constat amer.
Une autre remarque me taraude, c’est celle de la cohérence. Ils disent qu’il ne faut, en aucun cas, compatir en tant que musulman car cela relèverait la suspicion et l’amalgame. Si néanmoins on tendait à la compassion, il fallait le faire en tant que citoyen. Je serai le premier à venir rejoindre les rangs de l’humanisme si telle en était la devise. Encore une fois, les personnes qui, aujourd’hui, montrent leurs dents face aux mobilisations musulmanes sont les premiers à en faire des cercles exclusifs lors des épisodes précédents. Je m’explique. Revenons à ces mois de juillet et d’août et l’actualité internationale secouée par l’horrible théâtre des terres palestiniennes. Partout dans le monde, on pouvait constater une mobilisation hors du commun menée par le corpus musulman. Un point sur ces manifestations : avec quelle casquette la majorité des citoyens musulmans ont fait le déplacement jusqu’aux rassemblements propalestiniens lors des tensions de cet été ? Sommes-nous venus en tant que citoyens et humanistes, ou en tant que haut-parleur de l’islam ? Pourquoi les responsables des rassemblements rythmaient-ils l’événement avec des imposants « Allahu akbar » (Dieu est grand) ? Songez à la substance de votre réponse. Celle qui déterminera votre honnêteté intellectuelle. Est-ce que vos intimes convictions ont une place dans votre revendication citoyenne ? Carte blanche !
Nikita Imambajev