De nombreuses opérations anti-terroristes ont été menées par les forces de l’ordre en région bruxelloise ce dimanche 22 novembre. La Police fédérale a, par la suite, émis un message via Twitter, à l’adresse des internautes et des médias, afin de faire observer un silence radio sur les opérations en cours. Une omerta respectée. Toutefois, cette dernière soulève quelques questions sur les méthodes journalistiques en période de tension.

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La requête policière a été prise en compte par la twittosphère ainsi que par les médias traditionnels. Dans la foulée, on a pu remarquer l’émergence d’un phénomène : les lolcats. Des images humoristiques de chatons ont été publiées par milliers pour tromper les terroristes à la recherche d’informations sur la position des policiers par le biais de l’hashtag #BrusselsLockdown. Une initiative saluée par les médias eux-mêmes qui ont consacré des articles à cet élan original.

L’AFP informe que c’est un photographe néerlandais du nom de Hugo Janssen qui aurait été le précurseur des lolcats. Pour le journaliste Mateusz Kukulka, par contre, la personne à l’origine de cette initiative s’appelle Sylvie, une habitante de Woluwe-Saint-Lambert. Pour détendre l’atmosphère, en attendant des nouvelles de son ami qui était à proximité d’un des lieux de l’intervention, la femme a tweeté la photo d’un chat. S’en est suivi un effet boule de neige symbolisant l’unité internautique relayée ensuite par la sphère médiatique jubilatoire. Le lendemain, les autorités belges ont également célébré ce jeu du silence. La Police fédérale a même perpétué le folklore virtuel en remerciant tous les chats de Twitter avec une gamelle de croquettes.

Cependant, juste avant la suspension du relai d’information de la part des médias, le journal parodique Nordpresse sortait un article canular dans lequel un djihadiste remerciait les sites d’infos pour avoir révélé la position des policiers. Nous avons contacté Vincent Flibustier, fondateur de Nordpresse, pour avoir son avis sur le phénomène des lolcats :

« Effectivement, il y a énormément d’internautes qui ont publié des photos de chats, ou d’autres trucs. Néanmoins, il aura fallu deux heures pour que les médias arrêtent de publier des informations. J’ai vérifié. Les premières informations sur les opérations à Bruxelles sont tombées à 19 heures. C’est à 21heures, 21 heures et 15 que les journaux ont arrêté de diffuser les informations. Le mal était déjà fait ».

Le flux des lolcats postés par les internautes arrivait donc avec un retard. « Quand les internautes ont commencé à poster des lolcats un petit peu partout, les interventions étaient sur le point d’être terminées. Oui c’est rigolo. C’est une manière de dédramatiser la situation. Cependant, il y a eu un certain drame de la presse. Le pire étant notamment RTL info qui annonce sur sa page Facebook que le média arrête de divulguer des informations…tout en repostant l’article qui contient l’info de la position des policiers. Ce qui est du grand art », ironise-t-il.

Les lolcats étaient-ils finalement de la poudre aux yeux ? L’initiateur d’un des plus célèbres sites parodiques de Belgique l’affirme. « Ces lolcats sont en train d’effacer le problème de l’information en continu. C’est dangereux, voire criminel. Quand un policier se fera descendre à cause d’une information donnée par un journaliste, je pense que les lolcats ne permettront pas de l’effacer », conclut le fondateur de Nordpresse.

On se souvient de ce 9 janvier 2014 lorsqu’un journaliste de BFM TV signale, en direct, la présence des otages dans la chambre froide de l’Hyper Casher. Une déclaration qui met en danger les assiégés par l’auteur de l’attaque, Amedy Coulibaly. Depuis, six des ex-otages ont déposé une plainte contre X pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Dernièrement, une information que nous avons révélé sur la publication d’un cliché d’un individu présenté par le journal belge la DH comme étant l’un des présumés coupables des attentats de Paris. Il s’est avéré ensuite que la personne présentée comme étant Brahim Abdeslam, l’un des kamikazes, est un jeune nommé Brahim Ouanda. Ce dernier n’avait aucun lien avec les attaques. Par ailleurs, le journal a présenté ses excuses à la personne concernée suite au scoop raté.

Après l’effervescence émotive, cet épisode d’hommage aux félins laisse place à certains questionnements. Est-ce que les médias doivent émettre des réserves sur l’information en continu dans ce genre de situation d’urgence ? Ou doivent-ils continuer à tenir en haleine leur audience ? En tout cas, le débat est lancé sur l’information en continu.

Nikita IMAMBAJEV