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L’addiction aux paris sportifs n’est pas un jeu

On ne va pas se mentir, nous on aime beaucoup les paris sportifs : on peut jouer entre amis, vibrer encore plus devant les matchs, se faire un peu d’oseille, et tout ça d’un simple clic sur notre smartphone. Mais si la majorité aborde cela comme un jeu, certains se noient dans les profondeurs des paris sportifs, happés par la recherche de profits.

C’est la coupe du monde ! L’occasion de supporter notre équipe nationale, de voir Luka Modric humilier l’Argentine et de placer son argent de poche sur son site préféré de pari en ligne. Un grand événement particulièrement propice pour les nouveaux parieurs cherchant une solution pour ne pas piquer du nez devant les matchs soporifiques de l’équipe de France. Une recherche d’adrénaline nouvelle et ponctuelle, certes aléatoire, mais qui a peu de chance d’être nuisible à long terme, pense-t-on.

Sauf que beaucoup ont mis le doigt dans la prise et peinent à en sortir. Selon la commission des jeux de hasard, 5,2 % de la population belge, soit près de 500 000 personnes, développe des troubles psychologiques (anxiété, dépression, problèmes de sommeil) liés aux paris en ligne. Une proportion inquiétante qui commence dès l’adolescence. Quelle que soit la stratégie, miser sur des matchs est devenu chose commune dans notre société.

Une recrudescence expliquée par l’essor d’internet et des smartphones, concordant, en France, avec la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Une loi qui permet aux géants étrangers de s’implanter et qui autorise la publicité pour les jeux d’argent. Aujourd’hui, impossible de ne pas être confronté à celles-ci, dans les métros ou sur le net, et incarnées souvent par des anciens sportifs. Avec la promesse de bonus lucratifs pour décupler la tentation.

Une illusion de contrôle chez les jeunes

Mélanie Saeremans, psychologue à la clinique du jeu au CHU Brugmann de Bruxelles, pointe la différence entre les paris sportifs et les jeux de hasard plus conventionnels tels que les jeux de grattage : « Les paris sportifs, comme le poker, sont des jeux de semi-hasard. Dans le sens où si vous vous êtes calés sur les équipes de foot et que moi je n’    ‘y connais absolument rien, vos probabilités de faire un bon pari vont être plus élevées que les miennes. » Les jeunes, en mal de reconnaissance, et qui cherchent souvent à prouver leur valeur dans la société vont trouver dans les paris sportifs une compétence à mettre à profit. Si le premier pari est anodin et qu’il est plus souvent marqueur de lien social entre amis que réalisé dans une recherche de gain, le danger est que l’acte devienne régulier : « Ils se mettent dans une logique de ‘je dois le faire tout le temps’. C’est la que le joueur devient perdant : quand il joue fréquemment. Oui, il y a des phases de gains, mais vous ne gagnez pas tout le temps ».


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Surtout, il y a une illusion de contrôle. Pourquoi, si l’on a gagné une fois, ne peut-on pas continuer de le faire, en jouant plus pour gagner plus ? Le cerveau se met à bouillonner et à idéaliser des scénarios où l’on sort à chaque fois vainqueur, plutôt qu’anticiper une éventuelle perte. Même dans les cas où il n’y a pas d’addiction à proprement parler, le danger est bien présent : « Une perte de contrôle passagère peut entraîner ensuite des mécanismes où les individus essayent de rejouer pour récupérer leurs pertes. ». Ça peut se traduire par des emprunts aux amis, ou par voler ses parents pour rejouer et ainsi se refaire, en espérant que la pièce ne tombe pas du mauvais côté, au risque de déclencher une spirale incontrôlable.

« Je me retrouve devant des courses de chiens »

Si les pertes de contrôles peuvent se gommer avec un appui financier ou un brin de chance, il est bien plus dur d’outrepasser une addiction. Mélanie Saeremans reçoit les cas les plus critiques d’addicts aux jeux. Des personnes souvent poussées par leur entourage et qui viennent consulter en moyenne 6 à 8 ans après les débuts de leur addiction. Les experts ont établi trois grands types d’accros aux paris sportifs. Celui du jeune joueur bien intégré dans la société, avec un travail ou des études, ainsi que des amis ou de la famille pour le soutenir. Les deux autres cumulent d’autres troubles comme une conduite antisociale ou la dépression. Pour eux le pari sportif n’est qu’un pan de leur problème, et l’accompagnement est plus général.

Là, il est possible que vous commenciez à vous inquiéter et à vous demander si vous-même n’avez pas une addiction, car vous jouez régulièrement. C’est très simple, il existe plusieurs facteurs alarmants. D’abord, si au départ vous pariiez sur la NBA, car vous étiez connaisseur de basket et que vous en êtes maintenant à miser sur le championnat kazakh de volley, il faut se poser des questions. Comme un patient de Mélanie Saeremans qui avouait : « Au début j’étais fan de foot, puis après je me suis intéressé au tennis, maintenant je me retrouve devant des courses de chiens et je ne comprends pas ce que je fais là ». Mauvais point. Ensuite, si vous jouez lorsque vous vous sentez mal. Là, votre cerveau peut associer l’idée de jouer à un soulagement. Et vous allez donc être à la recherche constante de ce plaisir. Dernier échelon non négligeable : à partir du moment où vous commencez à parier de l’argent dont vous aviez réellement besoin, pour payer le loyer par exemple.

Un plaisir et non pas un investissement

Le cumul de ces mauvaises conduites n’est évidemment pas à prendre à la légère. Mais, on se rassure, on estime que 80 % des gens ayant été un jour considérés comme addicts s’en sortent par eux-mêmes. Ceux-ci ont les ressources pour s’en sortir au fond d’eux, et profitent d’un changement de contexte, comme le fait de trouver un travail, pour mieux doser leur consommation. Il n’y a pas de morale à donner sur le fait de parier ou non. Ce n’est pas illégal, ce n’est pas physiquement destructeur ni déclencheur de comportements à risques. C’est son excès qui l’est.

On termine avec le conseil de l’expert, comme sur tout bon site de pari sportif : « Il faut vraiment se dire : j’ai fait ce pari c’est comme si j’étais allé manger au restaurant avec mes amis. Cet argent de loisirs je peux me permettre de le perdre, car ça aura mis de l’adrénaline et j’aurai passé un bon moment ».

Pendant la coupe du monde et après, soyez vigilant, mais si vous voulez mettre un petit billet sur la Colombie championne du monde au lieu d’amener votre copine au resto, faites-vous plaisir.

Simon Virot