Le polémique sur le port du burkini a remis sur le devant de la scène la loi de 1905 qui régit la laïcité en France. Certains hommes politiques y allaient de leurs définitions pour s’accommoder de son réel contenu. Qu’en est-elle ? Pour la rentrée scolaire, l’ouvrage « Petit manuel pour une laïcité apaisée » a vu le jour. Ce livre a été conçu de manière pédagogique pour s’adresser aux professeurs, aux élèves ainsi qu’à leurs parents.

twitter-logo_2Mouâd Salhi

Jean Baubérot et le cercle des enseignant.e.s laïques se sont réunis pour écrire un ouvrage qui se voulait didactique sur la laïcité. Beaucoup de personnes affirment être d’ardents défenseurs de la laïcité mais ne connaissent pas les principes qui la fondent. La loi de 1905 découle d’un long processus qu’est la laïcisation de la République française. Elle parachève les mesures garantissant les libertés publiques et la laïcisation des structures étatiques entamée en 1881 avec la loi sur la liberté de réunion. Ces réformes se déroulaient dans un climat de guerre civile opposant deux France : l’une soutenant l’institution cléricale et l’autre partisane du pacte républicain. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle que la gauche républicaine se mobilisa pour obtenir une émancipation totale des institutions de toute influence religieuse.

Laïcité vs laïcité

Au-delà du conflit qui existait entre les républicains et les fervents de l’institution cléricale, un autre débat faisait rage entre deux conceptions de la laïcité. En effet, nous avions d’un coté, Maurice Allard, député socialiste du Var, défendait bec et ongles une laïcité antireligieuse. Alors que les instigateurs de la loi de 1905 cherchaient la bonne formule pour satisfaire le plus grand nombre, il soumit un contre-projet garantissant la liberté de conscience des individus mais pas celle des cultes afin de « poursuivre l’idée de la convention et achever l’oeuvre de la déchristianisation de la France ». Aristide Briand, rapporteur de la loi de séparation des Églises et de l’État ne l’entendit pas de cette oreille et qualifia la proposition de Maurice Allard de « suppression de la religion par l’Etat » et de « manifestation anticléricale inefficace » qui pourrait même être une « arme dangereuse » dans les « mains des ennemis de la République ».

D’autres personnes avaient la même vision que Maurice Allard. C’est le cas d’Emiles Combes, alors président du Conseil de 1902 à 1905, ce dernier défendait une laïcité anticléricale soumettant les Églises à une surveillance rigoureuse et à un immense contrôle administratif. Ses soutiens idéologiques, lors des débats de 1905, proposèrent l’interdiction du port de la soutane dans les lieux publics. Ces faits-là peuvent directement être transposés à ce que l’on peut observer aujourd’hui concernant la stigmatisation de la communauté musulmane en France à travers les polémiques concernant le voile, le niqab ou le burkini. Aristide Briand s’était fermement opposé à cette mesure car il rappelait que la loi visait surtout à instaurer « un régime de liberté ».

La laïcité et l’école

La laïcité vise à garantir la liberté de conscience des citoyens et la liberté des cultes. La loi reconnait donc le droit de manifester sa religion dans les limites du respect de l’ordre public. Ce principe est garanti par l’article 1 de la loi de 1905 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-arpès dans l’intérêt de l’ordre public ». Cet article se réfère à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui stipule que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».

Toutefois, on entend souvent que la religion n’a vocation qu’à s’exprimer dans la sphère privée. Vraiment ? A l’école, qui est concerné par la neutralité religieuse ? La neutralité est exigée de la part des programmes scolaires pour enseigner. Il n’y a donc pas d’options idéologiques, politiques ou religieuses. Il n’y a donc pas de religion officielle au nom de laquelle on décréterait toutes les autres comme fausses. Cela ne se cantonne pas seulement à la sphère religieuse mais il est également interdit aux programmes de diffuser des messages politiques ou commerciaux. La neutralité s’applique également aux enseignants qui, parce qu’ils sont en position d’autorité, sont tenus d’une certaine réserve dans l’expression de leur parti pris. Et enfin, la loi exige la neutralité des locaux pour que le cadre scolaire dans lequel les élèves viennent étudier soit habitable aussi facilement par tous et toutes dans leur famille, dans leur milieu, dans leur socialisation. Les lois disent rigoureusement cela sur la laïcité de l’école. Il y a donc une neutralité nécessaire des programmes scolaires, des enseignants, des locaux, mais pas du public. Le but de cette loi est de permettre à l’élève de s’épanouir et se former une conscience libre. Et cette conscience libre pour qu’elle puisse s’accomplir, elle ne doit pas être réduite au silence. C’est dans ce sens qu’Aristide Briand voyait cette loi. Il n’a pas voulu limiter le droit à l’expression chez l’élève.

L’ouvrage décortique les fondements et les principes de la laïcité et les place dans leur contexte pour comprendre l’évolution des moeurs des sociétés qui l’ont mis en pratique. Ce dernier pourrait être le meilleur outil à destinaion des professeurs qui veulent enseigner à leurs élèves les différentes questions qui se posent dans le débat public aujourdhui et réaliser une critique constructive sur les discours véhiculés par les hommes politiques.

Disponible en librairie Petit manuel pour une laïcité apaisée, Editions la découverte, 2016, Paris

 

Mouâd SALHI