« Seuls les cœurs sincères sont ouverts au dialogue », fredonne Ali, rappeur que l’on ne présente plus. Derrière le micro depuis les années 90, l’artiste des Hauts-de-Seine dévoile sa troisième œuvre, son nouvel album « Que la paix soit sur vous ». Le titre de l’opus, autant indicatif que bienveillant, trace le chemin de la sérénité.

Ton troisième album est dans les bacs. Quels sont les premiers retours ? 

Les retours sont très positifs. En général, les gens se sentent apaisés et ressentent un bien-être en écoutant l’album.

Dans le morceau « Dialogue » tu dis : « Celui que tu aides devient celui qui t’abat ». Est-ce qu’il est possible de fonder un dialogue dans l’atmosphère austère que l’on vit aujourd’hui ?

C’est plus que nécessaire. Individuellement, ça devient un devoir. Mais pas une obligation, entendons-nous bien. Tu parles d’atmosphère austère, justement, je pense que c’est dans ces moments difficiles qu’il faut trouver des solutions et créer un dialogue. Personnellement, je pense que c’est possible. En tout cas, avant même de songer à la volonté collective, je fais l’effort individuel vers l’ouverture et l’échange. À mon sens, c’est possible.

45 scientific ? En restructuration

Par rapport à l’album de Lunatic ou à tes albums précédents, j’ai l’impression qu’avec la sortie de « Que la paix soit sur vous », tu brises le côté communautaire qu’on pouvait te coller auparavant. Un album plus universel ? 

Le côté universel je l’avais déjà à l’époque de Lunatic. Par ailleurs, dans le morceau « Pas le temps pour les regrets » issu de l’album « Mauvais œil » je disais : « Né non pas pour vivre seul / Cause au nom de l’universel ». J’avais déjà cette intention tout en étant conscient de mon environnement et de ma communauté. Avec le temps, j’ai su avancer, sans verser dans le communautarisme.

Dans le morceau intitulé « Art », tu dis : « Qui ne veut pas se taire devrait commencer à rapper ». Penses-tu que le rap n’est autre que l’expression consciente de la musique ? Rap comme étant une forme de dénonciation ?

Pas du tout. Le rap est une forme d’art dans lequel des multitudes d’expressions interprétées par de diverses individualités coexistent. Certains seront dans une démarche plus festive, d’autres dans une démarche militante. Le rap n’est pas quelque chose qui se doit d’être exclusivement conscient ou léger. Par contre, dans le morceau « Art », effectivement j’invite les gens à user du rap davantage comme un moyen d’expression social. Mais c’est mon point de vue personnel de la chose. Cependant, le rap ce n’est pas que ça.

L’album, au niveau des lyrics, me fait penser à la poésie mystique musulmane. Que ce soit les messages d’amour, du langage de coeur à cœur ou de la recherche d’excellence, mots clés de la spiritualité musulmane. Est-ce un clin d’œil ?

Non, c’est quelque chose qui s’est fait naturellement. Il n’y a pas eu de démarche voulue. J’ai juste exprimé mon état d’être. Quand je parle d’amour, l’être humain, dans son ensemble, partage ces aspirations. À un moment de notre vie, on cherche à former un couple et fonder une famille par exemple. Ce n’est pas propre à l’islam. Là où je te rejoins, c’est que la religion musulmane préconise la route vers l’excellence, vers L’Ihsân qui signifie « perfection » ou « excellence ». C’est en quelque sorte un perpétuel cheminement durant notre vie afin d’être meilleur que la veille.

Aux dernières nouvelles, tu vivrais en Indonésie qui est un pays ou l’expression religieuse est tout à fait acceptée et intégrée. Quel ressenti as-tu par rapport à la France sur la question de liberté de culte? 

Au niveau social, c’est à nous de nous faire comprendre afin d’être en paix où que l’on soit. Je pense que l’effort de foi se doit d’être intérieur, avant tout. Si nous ne sommes pas en état de paix, on ne le sera pas, peu importe où l’on se trouve. Avant de voir l’effet de société, je pense qu’il faut se remettre en question et acquérir la quiétude personnelle.

Tu as dernièrement posé en a capella sur la bande originale du film « Qu’Allah bénisse la France » d’Abd Al Malik. Des chanteurs au verbe travaillé se lancent dans une prose acoustique ou dans le slam, que ce soit Kery James, Abd Al Malik ou encore Oxmo Puccino. Est-ce que ce format t’intéresserait à l’avenir ?

Non. Par ailleurs, l’a capella qui est présent sur la bande originale est purement rap. Je ne suis pas parti dans la tonalité slam  ou dans une forme narrative qui s’en rapproche. Bien que sans instrumentale, mon interprétation est très technique. Le rap et le hip-hop dans son ensemble sont des univers que j’affectionne énormément. Pour l’instant, je ne me vois pas me diriger vers une autre forme d’expression.

Dans une récente interview, Booba disait qu’à l’époque du groupe Lunatic, vous alliez souvent à New York et vous rappiez même là-bas. Ca fait quoi de rapper dans le berceau du hip-hop et en même temps devant un public qui ne comprend rien au français ?

Premièrement, j’allais à New York bien avant Lunatic. J’avais un oncle qui vivait dans le Queens et je rendais visite à la famille. Ensuite, lorsque mes voyages aux États-Unis avaient un rapport avec la musique, je n’ai jamais fait de scène en tant que telle. On rappait dans la rue, on échangeait des rimes et des flows avec des MC’s. On appréciait la technique, le flow et l’énergie. La barrière de la langue n’était pas un obstacle. C’était un réel moment de partage plein de positivité, un vrai moment hip-hop ! Un très bon souvenir.

« Que la paix soit sur vous » est sorti sous le label 45 scientific. Qu’en est-il de la structure aujourd’hui ?

Pour l’instant, nous sommes en restructuration. Il est donc trop tôt pour parler de l’avenir du label. 45 scientific est toujours existant, géré également par mon ami et partenaire Géraldo. On avance un pied après l’autre.

Un dernier mot pour Alohanews ?

J’ai un titre qui porte le nom « Aloha » dans le précédent album « Rassemblement ». J’invite les gens à l’écouter ou à le réécouter. J’apprécie ce mot, car il est porteur du sens d’amour. De plus, je voulais faire un clin d’œil à travers ce titre, car « Aloha » ça ressemble à « Allah ». Allah additionné à Aloha, donne « Dieu est Amour ». Aloha à tous les lecteurs !

Propos recueillis par Nikita Imambajev