Dans le milieu concurrentiel qu’est le rap, rares sont les artistes de province  qui gravissent les marches de la scène nationale. À quelques exceptions près. C’est le cas de Niro, rappeur signé sous le label Street Lourd. Nordine de son vrai nom est indéniablement une figure montante de rap français. Niro, validé par les amateurs du mouvement, raconte son parcours, son actualité et ses connexions dans l’entretien consacré à Alohanews.

Pour ceux et celles qui ne vous connaissent pas encore, quel est l’univers de Niro ? 

La vie telle qu’elle est, sans fiction. C’est l’essence même de mon rap. La prison, la famille, les amis et le milieu du rap dans lequel j’évolue sont mis en avant dans mes couplets. Aussi cru que réel, mon univers c’est la réalité d’une vie qu’on n’a pas choisie.

Votre album « Paraplégique »  est sorti dans les bacs depuis le 18 juin. Êtes-vous satisfait de l’accueil du public ? 

Satisfait n’est pas un mot assez fort pour ce que j’ai pu ressentir. Ce qu’il faut savoir, c’est que je viens d’une ville (cfr Blois) ou le « rapgame » n’existe pas. Chez moi, le rap était une évasion pour combler nos heures de galères. Ensuite, beaucoup sont restés à l’ancienne époque de « Mauvais oeil » de Lunatic ou encore de « La cerise sur le ghetto » de la Mafia k’1 fry. Un rap hardcore en somme. Aujourd’hui, ce genre très street que je produis ne vend pas des masses, et le fait de rentrer au Top album avec nos propres armes est une récompense. Sachant que le label Street Lourd sous lequel je suis signé est totalement indépendant, comment ne pas en être satisfait ?

Quelques jours après la sortie de votre album,  vous êtes interpellé par les forces de l’ordre…

Pour une affaire qui remontait à l’année 2009. J’ai eu une altercation avec des agents de police, car j’ai refusé un contrôle d’identité. J’étais seul contre 3 policiers qui n’étaient certes pas coriaces, mais la force du nombre a joué. Suite à cette affaire, j’ai été jugé. Bizarrement, je n’ai pas été condamné à la violence sur agent.

Une raison a cela ?

Un inconnu s’est présenté au commissariat en déclarant avoir filmé la scène et a menacé de là diffuser. Quelques heures plus tard, j’étais dehors. Cette histoire me fait encore sourire.

Alors pourquoi de nouveau vous interpeller en 2012 pour une affaire qui datait d’il y a 3 ans ?

 Je me suis de nouveau fait interpeller à Blois parce que j’ai négligé le suivi du SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation). Ils ont révoqué mon sursis : 5 mois fermes.

Vous avez ensuite connu la prison…

Oui. La solidarité en détention m’a beaucoup surpris. Je recevais énormément de paquets de la part des personnes avec lesquels je n’entretenais pas de liens particuliers. On m’envoyait également beaucoup de courriers. Chaque jour, j’attendais les lettres comme un accro à la drogue qui attend sa dose.

Votre arrestation a sans doute chamboulé le planning de la promotion de votre album…

Cet épisode de ma vie est, en quelque sorte, à double tranchant. D’un côté, c’était handicapant sur certains paramètres notamment sur ma lancée promotionnelle. D’un autre côté, ça a suscité beaucoup de polémique. Qui dit buzz dit multiplication potentielle des ventes de disques.

Les rumeurs disent que c’était justement pour créer du buzz à la sortie de votre projet…

Je m’y attendais à ce genre de rumeurs, mais si j’avais voulu glorifier mes affaires avec la justice j’aurais crié partout que j’étais en cavale. Jamais je ne prônerai la prison, même pour vendre un milliard de disques. Personne ne voudrait faire honte à ses proches. Notre mode de vie, lié à la pauvreté, nous conduit à enfreindre la loi. Par ailleurs, dans le morceau « Vie de gangsta » j’explique ma vision de la rue et de ses vices, mais en aucun cas je ne mets l’univers carcéral sur un piédestal.

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Dernièrement, vous êtes apparu sur le morceau « Panam Boss » du prochain album de La Fouine. Comment s’est faite la connexion ?

De façon très naturelle. Il m’a contacté et le courant est passé. La prod et le thème m’ont inspiré ainsi que le côté humain. La Fouine est quelqu’un de simple. Loin de l’image que j’avais de lui en regardant ses clips.

Dans ce morceau, la phase sur Rick Ross a suscité l’attention des internautes. Beaucoup prétendent voir un clash contre Booba. Qu’en dites-vous ? 

J’en dis qu’il faut arrêter de voir des clashs partout. Je ne suis pas quelqu’un d’ingrat. J’étais content d’apparaître sur Autopsie Vol.4. A l’époque, je n’avais pas l’exposition que j’ai aujourd’hui. Booba nous a contacté simplement parce qu’il a vu que j’avais du talent. Au vu de sa carrière et de l’impact qu’il a sur le mouvement, c’était un honneur ! Donc quel intérêt de l’attaquer ?

Il est vrai que les internautes sont friands des clashs…

Je n’ai jamais autant été retweeté que la fois où j’ai dit que ce n’était pas un clash ! Il y a des internautes frustrés, les « Olivier Cachin du marché », qui voient des embrouilles partout en oubliant la qualité du titre en lui même. Aujourd’hui, un artiste controversé vendra plus que celui qui a du talent. Le public est aussi fautif que les artistes ou encore les médias. Si les gens n’aimaient pas les clashs, personne n’en ferait !

Vous êtes un artiste très présent dans les compilations et albums récents. Certains voient en vous la relève assurée. Pourtant, vos morceaux ne font pas partie de la playlist Skyrock… 

Je pense que comme pour tout, il faut se faire accepter sans retourner sa veste. Pour être franc, j’avais des morceaux dans l’album qui pouvaient être diffusés. Skyrock n’a, toutefois, pas joué le jeu. Pourtant, on voit mon nom partout, que ce soit sur des compilations, des projets en major ou en indépendant. Je n’ai jamais fermé la porte à Skyrock, et j’espère qu’à l’avenir, ils m’ouvriront les leurs…depuis le temps que je suis présent sur les Planète Rap de leurs rappeurs fétiches !

10 décembre réédition de votre album « Paraplégique ». Des news ? 

Cette réédition comportera une dizaine de titres avec, normalement, 8 inédits, La tracklist sera dévoilée très bientôt. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y aura un featuring avec Zesau et également une collaboration avec Lacrim. Une réédition avec 10 morceaux en plus, c’est du jamais vu !

12 décembre, votre concert solo à la Boule Noire de Paris. Comment cet évènement s’annonce-t-il ?  

Bouillant ! Toutes les préventes se sont presque vendues en 2 ou 3 semaines. Une très grande satisfaction pour l’équipe ! J’espère qu’il y aura du beau monde. En tout cas, on va faire un concert en famille avec tous mes « GhettoSoldats ». L’événement rap de cette fin d’année !

 

Propos recueillis par Nikita Imambajev