Green Montana fait partie des artistes les plus acharnés du moment. Plus de 6 mois après la sortie de son premier album Alaska, le poulain belge du 92i dévoile le 21 mai 2021 son dernier EP, MELANCHOLIA999. On y retrouve une trap bien distincte, qui semble résonner depuis les gouffres spatiaux, et sur laquelle la voix de Green Montana ondule avec une aisance mélodieuse.  

 

 
Green Montana est né le 1er juin 1993 à Verviers, dans la partie wallonne de la Belgique. Comme tout rappeur débutant, il a entamé la musique en s’enregistrant dans sa chambre, en cachette, avec le logiciel Audacity. Il choisit d’abord de rapper les textes des artistes qui ont marqué le début des années 2000, comme Booba et les membres du collectif de la Mafia K’1 Fry. Afin d’entrer plus concrètement dans le game, il commence à faire des sons dans un groupe qu’il forme avec des amis et son cousin, Montana, dont il en sort une mixtape, sans beaucoup de retentissement. C’est avec eux qu’il entame un parcours vers la professionnalisation de son art. Il se serait sans doute fondu – malgré son talent indiscutable – dans la masse des rappeurs sans un impensable coup du sort, qui le fera tout de suite jouer dans la cour des grands. 

C’est à Bruxelles, capitale du rap belge, que l’aventure démarre. Quand on parle de rap en Belgique, on pense tout de suite à Bx, ville de laquelle sortent des artistes qui marquèrent les dernières années de la décennie 2010, comme Damso, Hamza, Roméo Elvis ou encore, Isha. C’est d’ailleurs ce dernier qui repère le potentiel du jeune Green, alors qu’il rappe dans le groupe Montana, dissous depuis. Isha en parle à son manager, Stan, qui décide d’organiser une entrevue avec Green. Heureux hasard : pour Green Montana, Verviers n’est guère une ville propice pour développer sa musique, et c’est sur Bruxelles, capitale du rap en pleine expansion, que Green jette son dévolu. 
 

 

« Putain j’perds les potos comme des briquets » – Briquet

Tout commence pourtant par une nouvelle amitié. A Bruxelles, Green rencontre le manager d’Isha, ce dernier qui s’apprête à cette époque à sortir son album La Vie Augmente. Le courant passe et tout part de là. Green est en 2018 signé sur le label North, et c’est à cette période qu’Isha prend sous son aile le jeune prodige. Celui-ci nous prouve avec l’EP Bleu Nuit, composé de deux sons et sorti l’été de la même année, que cette ambiance résolument sombre, ainsi que la profonde mélodie, font sa spécificité artistique. Il reçoit beaucoup de conseils d’Isha, avec qui il fera un maximum de sessions au studio. Sort le 13 juillet 2018 le clip exceptionnel de Briquet, l’un des deux sons du projet, produit par Kendo, et réalisé par Marouane Mazid et Quentin De Buyst. L’aspect visuel, dans la musique de Green, est extrêmement important, en témoigne l’esthétique léchée et travaillée du clip de Briquet. Une patte froide et singulière, qui allie musique monolithique et esthétique admirable, que l’artiste gardera dans ses clips futurs. L’automne 2018 verra la sortie de l’EP, ou maxi, Orange Métallique, composé lui-aussi de deux sons, Amsterdam et Rester Dîner, qui permettra à Green de distiller par petite touches sa trap sibérienne, dont le beat enchante l’oreille. 

De ce jeune poulain du rap belge, formé au milieu du rap par Isha, et encore peu connu durant l’année 2019, viendra un potentiel insoupçonné pour le cloud rap et la trap mélodieuse. L’artiste réalise lui-même ses top-lines. Des singles sortis ponctuellement au cours de l’année enfonceront le clou, comme Juste un moment, où une prod affable, produit par Evi Beats et mixée par Minimalist, semble résonner depuis les profondeurs de l’espace interstellaire. Et comme deux autres égéries du cloud rap, Green Montana ne fait pas de feats, ou du moins, il les choisit avec soin. 

« J’m’endors dans un tas d’billets » – Tout gâcher, feat Booba

 

 
Il n’en serait aujourd’hui guère loin, puisqu’après avoir été révélé par Isha à la scène belge, son talent est confirmé à la scène française par Booba. Il signe en 2020 sur le label 92i, pour lequel il enregistrera un premier album, Alaska, doté de 16 titres, comportant le son aux accents de hit Tout gâcher où apparaît Booba. Après plusieurs reports en raison de la crise sanitaire, Alaska paraît finalement en octobre 2020. Le rappeur demeure fidèle à son univers froid et pesant, particulièrement présent dans le son BB part. 2, produit par Woodpecker. Une musique de marbre, autant dans son beat que sa mélodie harmonieuse, mais aussi dans l’image qu’il renvoie dans ses clips, les locks teintées de blond, la peau des bras tatouée, lunettes fumées sur le nez, l’air impassible au milieu des figurants du clip, presque blasé, et sans doute un peu high, cependant qu’il reste incroyablement talentueux.  

 

Avec MELANCHOLIA999, sorti début mai de cette année, Green nourrit sa discographie encore naissante et son ambition, à laquelle il allie succès créatif et succès commercial. Green fait désormais partie du cercle des protégés de Booba, qui prépare sa relève, en témoigne le seul feat du projet : Evidemment, en feat avec SDM, clippé dans un manoir aux balustrades de marbre froid. Pour ce projet, il n’y aurait pas eu de pochette qui incarnerait mieux l’univers du rappeur : il y apparaît dans une combinaison d’astronaute, dérivant dans le vide spatial entre deux planètes et une nébuleuse rougeoyante, où il nous emmène au grés de sa voix et de sa musique glaciale. 

Paul Malem