Avec «Destroy», le professeur punchline fait son grand retour dans l’arène du rap…et sa prestance reste intacte. Il nous a reçu généreusement à Paris pour discuter musique et esquisser un monde libre de demain.

Ecouter Seth Gueko est une expérience hip-hop assez singulière. Un moine tibétain serait sidéré face à cette avalanche de phrases salaces et le ton crasseux de sa voix. Au-delà du côté cru et incisif, il se révèle être un lyriciste de qualité avec des néologismes inventifs et une inspiration linguistique pouvant aller de l’argot parisien au « parler banlieue », du lingala à l’arabe, preuve d’une belle ouverture culturelle.

Au fil de ses interviews et de ses morceaux, il s’est créé un personnage facétieux. En effet, on ne compte plus les conneries savantes qu’il débite comme un sniper, en s’autoproclamant par exemple le « fils caché de Jacques Mesrine » et de faire de son flow « une machine à glaire ».

Depuis «  Barlou » (2016), il s’était fait assez discret, préférant s’adonner à d’autres occupations telles que sa passion pour le tatouage ou la Thaïlande, un pays avec lequel il entretenait un lien fort et où il a vécu. Trois ans ont passé et le voilà de retour avec « Destroy », un mot anglais qui annonce la couleur et l’envie d’aller encore plus loin dans cette caricature amusante du gros viril qui ne se prend pas au sérieux. Les phrases percutantes ne manquent pas, la puérilité est assumée et fait sourire notamment sur les deux premiers titres sorties en clip « Toute la boite » et « Post it ». Il ne manque pas non plus d’autodérision, notamment sur le titre « Calvasse » où il raille ouvertement sa calvitie et se compare à l’acteur Gérard Jugnot. Les collaborations fusent, il se retrouve en featurings avec de vieux briscards tels qu’AlKpote, Dosseh, Akhenaton, Sadek.

 

Ce qui surprend chez Seth Gueko, c’est cette capacité à livrer des rimes personnelles et complexes dans un bouillon obscur et mystérieux ( « je suis pas un homme, je suis un animal avec une âme », « les rues et les cités de ma ville sont les universités de ma vie » ou « je serai jamais un esclave du matin »). Un attribut qui fait de la musique de Seth Gueko quelque chose qu’on ne peut pas rejeter d’un revers de main. L’occasion de serrer la sienne et de partager une entrevue en toute intimité.

Bruno Belinski