Avec ma petite sœur de 15 ans, nous avons un rituel : chaque mercredi midi, je vais la chercher à l’école, nous allons manger au fast-food la plupart du temps, puis nous faisons du shopping. C’est devenu notre moment à nous, notre petit break de la semaine et plus tard, je sais que l’odeur d’un hamburger sera notre petite madeleine de Proust- version un peu moins saine, évidemment.

Hier, je n’ai pas failli à notre habitude, je suis allée la chercher et nous sommes allées manger. Quelle délicieuse sensation, n’est-ce pas ? Lorsque l’on sent que notre estomac affamé se remplit petit à petit et commence à faire taire ses cris. C’en est presque apaisant.

Peut-être est-ce dû à nos origines méditerranéennes, je n’en sais rien, mais nous aimons manger. Cette activité doit clairement être dans notre top 3 de ce que nous aimons le plus faire. La nourriture rassemble, c’est bien connu. Les grandes tablées et les repas qui n’en finissent plus font partie de notre quotidien. Tout le monde parle fort, mange, discute, mange de nouveau et rit plus fort encore.

Ma sœur me parle d’une recette qu’elle a vue la veille sur Facebook. Vous savez, ce genre de vidéo qui ne dure jamais plus de 3 minutes généralement et qui vous montre toutes les étapes d’une recette. Nous en sommes assez friandes. Nous discutons pendant quelques minutes de la recette puis éclatons de rire en réalisant que nous sommes encore et toujours en train de parler de nourriture- décidément !

Elle et moi, malgré nos ressemblances évidentes, sommes très différentes sur pas mal de points, notamment en ce qui concerne les habitudes vestimentaires. Elle a sans cesse le besoin d’essayer trois fois un vêtement avant de décider si elle l’achète ou pas, tandis que je n’essaie jamais rien, préférant rapporter ultérieurement au magasin les articles qui ne me conviendraient pas, ce que je ne fais jamais.

Ne dérogeant donc pas à ses habitudes, elle essaie trois jeans cet après-midi-là et me demande, la mine un peu renfrognée, d’aller lui chercher la taille au-dessus, ce qui me semble étrange puisque c’est ce qu’elle avait déjà fait, sachant que ce magasin taille « petit ». Elle finit par ne rien acheter, question d’égo. « Comme si j’allais acheter un jeans en deux tailles au-dessus de la mienne, ça ne va pas ou quoi ?! »

En sortant du magasin, elle me dit qu’une de ses amies est obsédée par la nourriture « healthy », la nourriture saine, se nourrissant exclusivement de viande blanche, de légumes cuits à la vapeur et de graines. Ceci n’est pas un cliché, je vous l’assure. Ma sœur commence à culpabiliser pour le hamburger de ce midi, me disant qu’on devrait peut-être changer d’endroit pour notre sacro-saint repas du mercredi midi. Tout ça pour un bête jeans de chez Zara dans lequel elle n’a pas su rentrer.

Ma sœur est très fine et parfois, je vous le confesse, il m’arrive d’envier son mètre 80 et ses jambes interminables. Nul donc besoin de régime ou de légumes vapeur. Et même si ce n’était pas le cas finalement, qui donc est-ce que cela dérangerait ?

Moi qui n’avais jamais vraiment prêté attention au phénomène, je me suis un peu renseignée sur le sujet et j’ai découvert avec grande surprise qu’il avait pris beaucoup plus d’ampleur que ce que je pensais. Vous saviez que bon nombre de grandes marques engageraient des mannequins de moins de 16 ans pour défiler sur les podiums et porter leurs vêtements destinés à des adultes ?

Dans la même lignée, plusieurs couturiers affirment que « un mannequin parfait, c’est un mannequin qui ressemble à un cintre. Vous posez le linge dessus et c’est comme si vous le posiez sur un cintre. » Avec des raisonnements pareils, on comprend aisément que la société ait du mal à évoluer. Les mannequins continuent donc inlassablement de défiler en taille 34, taille destinée seulement à 0.7% de la population.

Et que dire à propos de celles et ceux qui rentrent réellement dans une taille 34 sans l’avoir demandé ? Qui voudraient peut-être bien porter du 38 et qui n’y arrivent pas ? Mais surtout, au-delà de tout, que dire de celles et ceux qui font la taille qu’ils veulent et qui ne veulent ni maigrir ni grossir ? Que pensera-t-on ? Et là est tout le problème : qu’en pensera-t-on ?

Que vous aimiez manger des salades jusqu’à plus soif ou que vous préféreriez tester tous les burgers de votre ville, faites donc. Le plus important, je crois, est de savoir accepter son corps et, chose bien difficile, je vous le concède, de tenter au mieux de s’écouter soi plutôt que d’écouter une société remplie de contradictions. Vous n’avez pas les jambes que vous voulez, mais vous avez certainement autre chose, de jolis yeux, un sourire à faire envier Julia Roberts, peut-être, et c’est là-dessus qu’il faudrait apprendre à nous concentrer.

Bref, être ce que l’on veut et être en paix.

Alexia Zampunieris