La Libye, vaste pays bordant la Méditerranée voit arriver par milliers des migrants de l’Afrique Subsaharienne voulant trouver un avenir meilleur dans le Vieux Continent. Tripoli a adopté une politique restrictive pour freiner ce flux. Plusieurs ONG se sont levées contre l’interdiction de secourir ces personnes en mer.

twitter-logo_2– Mouâd Salhi

Le 10 août dernier, la Marine libyenne a créé une nouvelle zone de recherche et de sauvetage (SAR). La zone s’étend sur une centaine de kilomètres des côtes libyennes et concerne des eaux internationales. Problème, son accès est exclusivement interdit aux navires étrangers empêchant ainsi les ONG de secourir les migrants. Tripoli accuse certaines ONG de travailler avec des réseaux de passeurs. Suite à cette décision, plusieurs organisations humanitaires (MSF, Sea Eye, Save the children) ont été contraintes de faire machine arrière et suspendre leurs opérations de secours. Les embarcations de fortunes de migrants doivent également retourner en Libye.

Trop c’est trop !” a pesté Francesco Rocca, le président de la Croix-Rouge italienne après un entretien avec le secrétaire général de l’ONU. Il soulève que l’on ne peut “empêcher le désespoir des gens” et qu’il faut “créer des couloirs humanitaires sécurisés” en communiquant des informations aux pays pour les gens qui décident de partir. Le président de l’ONG parle d’“échec européen” et regrette le “manque de proactivité” de l’Union Européenne sur cette question.

Cette semaine, près de 500 personnes ont été arrêtées en mer alors qu’elles tentaient de rejoindre l’Europe. Depuis 2014, l’Italie a vu débarquer plus de 600.000 personnes. Quatorze mille personnes ont perdu la vie en mer.

De l’exil à la torture

En mai dernier, le patron du HCR, Filippo Grandi s’était rendu sur place et avait tenu un discours très ferme sur le sort et traitement des migrants en Libye. Il avait parlé de situation « épouvantable » dans les centres de détention libyens, des conditions sanitaires « choquantes », « exécrables » et de « gens qui dorment les uns sur les autres ». Les choses ne semblent pas avoir évolué voire se sont détériorées.

 

L’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations) a rapporté que des migrants provenant de l’Afrique Subsaharienne ont été vendus sur des “marchés d’esclaves”. Leonard Doyle, porte-parole de l’OIM déclare que « Les migrants qui se rendent en Libye pour tenter de rejoindre l’Europe n’ont aucune idée de la torture qui les attend au-delà de la frontière ». Plusieurs témoignages de personnages font état de viols, lynchages et emprisonnements.

C’est le cas de plus de 160 ressortissants guinéens qui ont pu regagner Conakry grâce à l’OIM. “J’ai fait trois mois en prison” raconte l’un d’entre eux. Il ajoute “ C’est comme si les gars n’étaient pas des musulmans. Ils ont tué au moins quatre personnes là-bas, à balles réelles…”. Il fait également état de torture lors de son emprisonnement : “Là-bas aussi on branche l’homme. Un être humain, on le branche sur le courant !”.

Pour pallier le problème, les organisations internationales et européennes comptent s’installer sur le territoire libyen pour surveiller les autorités. A l’heure actuelle, ces instances ne sont pas présentes de manière continue dans le pays.

Le 25 juillet dernier, Emmanuel Macron réunissait les deux principaux hommes forts libyens, le civil Fayez al-Sarraj et le militaire Khalifa Haftar, qui contrôlent chacun une région du pays. Ces derniers ont convenu un cessez le feu, sans le signer, en la présence de l’envoyé spécial pour l’ONU, Ghassan Salamé. Cet accord a renforcé Khalifa Haftar, chef militaire qui s’est imposé par la force et contrôle l’ouest du pays. Ajoutons à cela la nouvelle incursion de Daesh dans la ville côtière de Syrte comme l’indique la vidéo de l’organe de propagande Amaq. L’horizon d’un avenir heureux pour les migrants est encore loin.

Mouâd Salhi