Issu du groupe OPAK, le rappeur à la voix pesante du nom de Scylla enchaine projets et collaborations. Récemment apparu sur le remix du morceau de Kery James, Last MC, l’ovni belge arrive avec un projet intitulé « Abysses ». Le 13 avril 2013, il défendra son album sur la scène mythique de l’Ancienne Belgique. Rencontre avec un artiste engagé qui n’a pas sa plume dans sa poche.
Scylla ?
Le pseudonyme Scylla est initialement issu de la mythologie grecque, bien que je ne l’ai choisi que pour une partie du mythe seulement.
Autrefois, de nombreux navires s’échouaient dans le détroit de Messine. Emportés par les courants, ils heurtaient un rocher et faisaient naufrage à cet endroit. Tant et si bien qu’une légende naquît : un monstre marin était sensé résider en ces lieux, engloutissant les navires les uns après les autres lors de leurs passages.
Ce mythe reflète-t-il votre attitude artistique ?
C’est exactement ce processus de pensée qui m’intéresse : un simple rocher qui, dans l’imaginaire collectif, se change en véritable monstre marin. Je suis quelqu’un de calme, relativement réservé (le « rocher »), mais lorsque je suis sur scène, derrière un micro ou une plume, une certaine «transformation » s’opère… Elle a tendance à « perturber » quelque peu ceux qui me connaissent à titre personnel. J’aime le phénomène de « transformation par les gens pour les gens », sur une base « imaginaire », sur la base de simples impressions ou apparences. Le côté contrasté permet en même temps d’échapper à la tentation de la « case » dans laquelle les gens cherchent presque systématiquement à classer un artiste.
Le 18 février, sortie de votre premier album solo intitulé « Abysses ». Quels sont vos objectifs avec un tel projet?
Objectifs ? Difficile de s’en fixer tant que l’on n’a pas encore reçu le verdict du public… Ce disque est important à mes yeux, j’y ai mis du cœur, de la raison et de la sueur. Je mets donc un point d’honneur à le défendre comme il se doit.
Après, impossible de pronostiquer quoi que ce soit. J’ai bien entendu prévu d’exploiter cet opus avec des scènes, des clips, etc., mais le reste dépendra beaucoup du soutien offert par le public. C’est la réalité bien connue de l’autoproduction…
Une ambiance abyssale donc ?
La couleur globale est assez sombre, mélancolique. Je suis conscient du risque que je cours à cette époque en m’engageant sur cette voie, mais je tenais à lui donner une couleur bien particulière, quitte à ce que ma quête d’homogénéité donne un certain sentiment de redondance aux auditeurs. C’est le prix à payer.
Toutefois, je n’estime absolument pas être défaitiste ! Au contraire. Ce serait une insulte pour moi ! J’ai conçu chaque titre sur la base de cette nuance et de cet « interdit » de tomber dans la victimisation. Chaque morceau vise à déclencher un sentiment positif et constructif dans le chef de l’auditeur.
Qui pourra-t-on entendre dessus?
Le nombre d’artistes présents sur le disque n’est pas très élevé. Les auditeurs pourront retrouver Furax Barbarossa, Saké des Zakariens, Tunisiano ainsi que R.E.D.K. de Carpe Diem. Par contre, le panel de beatmakers est quant à lui beaucoup plus large avec Soulchildren, Proof, Nizi, Crown, Bastard prod, Lams, Alien, Imani Le Chien, l’Inconnu, Ptifa, Bilbok, et autres.
On a pu vous écouter sur le remix de Last MC de Kery James. Comment s’est faite la connexion?
De la façon la plus naturelle qui soit : il m’a appelé en me demandant si j’étais intéressé d’apporter ma contribution à son projet. J’ai répondu présent… bien évidemment ! Avec grand plaisir et respect pour l’artiste !
Vous êtes l’un des artistes belges à être très apprécié par les auditeurs français. Avez-vous l’ambition de vous affirmer en France?
Pourquoi pas ! En tous cas, ce serait stupide de ma part de concevoir ma musique sur une base géographique. Quel artiste fonctionne sur cette base en réalité ?
Pour le reste, à nouveau, je ne suis pas maître du processus. Tout dépendra de l’accueil du public, des rencontres effectuées, de l’inspiration, de la vie et de ce qu’elle réserve.
Votre playlist récente? Quels sont les sons du moment que vous écoutez?
Aie ! Touché ! Pas grand-chose en réalité… Je reste un peu bloqué dans mes « vieilleries » de rap français ou américain. Ces derniers temps j’écoute aussi pas mal d’albums « soul » que j’ai reçus de quelques connaissances. Mais je suis incapable de vous donner des noms… Je sais juste que c’est sur ma clef usb « bleue et noire, 24ème dossier » (Rires). Et je passe bien évidemment beaucoup de temps à écouter les prods que les beatmakers m’envoient…
Ah, si ! Dernier kif du rap français est le « Le début de la fin » de R.E.D.K !
Propos recueillis par Nikita Imambajev