Columbine, ce nom glaçant qui rappelle un fait divers macabre aux États-Unis, est en passe de devenir à la mode. Tout cela, c’est grâce à ce collectif de rap qui enflamme les scènes et sort son second album « Enfants terribles ». Le 10 juin dernier, le groupe rennais de huit personnes faisait sa première date en dehors de la France. Et c’est à Bruxelles que le crew breton a déposé les valises. L’occasion pour Alohanews de rencontrer les gaillards et de parler des dessous de leur nouvel album.
Columbine, ça a été fondé comment ?
Lujipeka : On s’est rencontré au lycée. C’est une bande de potes en fait tout simplement. Après le lycée, on a décidé d’unir nos forces pour faire un collectif tous ensemble. On a créé Columbine en 2014.
Quand on regarde un peu en arrière avant l’album « Enfants Terribles », il y a un titre où l’on voit un personnage qui s’appelle Charles Vicomte. Qui est Charles Vicomte finalement ?
Foda C : Yro n’est pas là donc on n’en parlera pas en fait. Il n’est pas présent dans l’album. C’est un premier projet dans un délire qu’on n’a pas suivi, mais qu’on a kiffé un temps. Mais le frérot n’est pas sur l’album « Enfants terribles ». Il bosse avec Lorenzo si tu veux les détails.
Columbine, ça fait référence forcément au massacre dans un Lycée aux États-Unis avant les années 2000. Il y a des notions qui me reviennent en écoutant votre disque. C’est le fait d’être marginal et une espèce de mélancolie. Est-ce que c’est aussi ça les racines du nom de groupe ?
Lujipeka : Ouais c’est ça. C’est intéressant ce que tu dis parce que tu as trouvé la subtilité du nom. Ce n’est pas du tout l’apologie de la tuerie. C’est vraiment le reflet de ce que pouvait ressentir ce gars et toute la symbolique autour. Les frustrations de l’adolescence, au sein du milieu scolaire, le passage à l’âge adulte. On ne pouvait pas trouver une image plus forte que Columbine. Bien vu!
Un AK-47 avec des ailes fait office de logo de votre groupe. Il y a une forme de paradoxe. Est-ce qu’il représente le paradoxe du groupe ou plus globalement une jeunesse ?
Foda C : Je pense que pour avoir la paix faut faire la guerre, un peu tu vois. T’as un désir d’amour et de liberté. C’est ça la révolution. Quand tu parlais de marginalisation, on s’est toujours senti à l’écart, tu vois. Pour cette raison, on a choisi un logo et un nom de groupe marquant pour montrer qu’on n’est pas là pour rigoler (rires) !
On ressent un ennui aussi dans l’album. Est-ce que c’est l’ennui qui vous a permis de faire de la musique ?
Lujipeka : C’est un peu un album qui parle d’ennui. Le but c’est de sortir de nos chambres et de sortir de notre ennui grâce à cet album. C’est ce qu’on fait à travers la tournée, à travers tout ce qui se passe en ce moment. Mais ouais, c’est l’un des thèmes principaux abordés dans ce projet. C’est un projet assez introspectif au final, propre à nous-mêmes. On s’ennuyait quand on l’a fait.
On ne fait pas du rap troll
Dans le titre « College rules » vous dites « Premier jour en 6e, on me traite de mouton. Deuxième jour je parle plus, j’ai compris la leçon ». J’ai l’impression que vous avez mal vécu l’expérience scolaire…
Foda C : Dans ce son, il y a deux versions différentes. La phase vient de mon couplet. Le couplet de Lujipeka est plus contrasté. Luji raconte un peu le mec qui se foutait de la gueule des autres élèves. Quant à moi, je raconte un mec se faisant victimiser.
Lujipeka : On n’est pas dans quelque chose d’hyper tragique. Il y a un côté réaliste dans le sens où tu peux avoir des emmerdes au collège, mais tu peux aussi en causer. Il y a cet entre-deux. Le premier album parlait directement de l’école. Dans ce nouvel album, il n’y a que le titre « College rules » qui en parle. Ce n’est pas la couleur de l’album.
Foda C : On n’est pas que des fragiles, on est aussi des tyrans. J’ai raconté une période de ma vie où j’ai vécu en lotissement et en caravane avec ma mère, sans électricité. Ça raconte une période de mon collège, j’avais envie d’en parler dans un texte.
J’ai rencontré différents étudiants qui sont touchés par vos réalités. J’ai l’impression que vous êtes un peu le Dafalgan après les cours…
Foda C : Pour te dire, on reçoit énormément de messages privés. On fait les assistantes sociales un peu.
Lujipeka : On a un public jeune. Ça, on l’a constaté.
Foda C : Tu reçois des messages de meufs ou même de mecs qui n’ont pas confiance en eux, qui parlent de tendances suicidaires. Ils nous demandent comment réagir face au harcèlement scolaire par exemple. On reçoit beaucoup de messages et on essaie de répondre au maximum. Notre public nous voit comme des grands frères, limite des héros. On essaie de calmer le jeu là-dessus.
Il y a un reportage dans lequel vous avez participé (Tracks Arte), où on vous a présenté un peu comme des rappeurs du 3e degré, limite des trolls du rap. Comment vous percevez cette étiquette-là ?
Lujipeka : On a détesté cette interview. Elle nous a vraiment fait perdre notre temps. Ce qui est présenté de nous, c’est vraiment une infime partie. L’entretien a duré longtemps, mais ils ont sorti des phrases de leur contexte. On n’était même pas au courant de cette image troll rap. Pour nous on fait du rap. Point. Pas du rap alternatif, pas du rap troll. Ça, c’est une case où on te met facilement. C’est une autre façon de dire «rappeur blanc», un peu tu vois ?
Le délire de Charles Vicomte, ça date et ils ont tout axé là-dessus. Pareil pour Lorenzo ou Vald ils ont vraiment détourné le truc. C’était vachement accusateur. Cette image de troll rap, c’est aussi ne pas prendre notre travail au sérieux ! Ce n’est pas parce qu’on a une touche d’humour qu’on ne fait pas les choses sérieusement.
Foda C : Je pense qu’aux États-Unis il n’y a pas de soucis à faire tous les styles de rap. Chacun a sa personnalité. La différence cultive quelque chose de positif. Aux États-Unis, lorsque tu es différent, tu crées un engouement. En France, dès que tu sors un peu des rangs, c’est plus difficile pour toi. On aimerait qu’il y ait plus de rappeurs différents.
Dernière question, la plus importante pour étoffer ma garde-robe, dans « Les Prélis », tu l’as sorti d’où ta combinaison en verre Foda C ?
Foda C : (Rires) C’est une idée que j’avais en gros. D’ailleurs, j’avais vu Maitre Gims dans un clip, il avait une combinaison comme ça en miroir. Je voulais faire un truc fait maison. J’ai acheté des fringues chez H&M et j’ai collé des verres d’un miroir cassé. Après avoir rappé mon couplet dans le froid, je ne pouvais pas enlever la combinaison sinon ça allait me couper. On a dû découper le tee-shirt dans le dos. Donc une heure de création, une heure de tournage. Ensuite la combinaison a été détruite.
Propos recueillis par Nikita Imambajev