« Retourne dans ton pays », c’est avec cet intitulé raciste résonnant de façon forte dans ce contexte post 22 mars qu’une foule bigarrée attend patiemment l’ouverture des portes pour assister au tout nouveau spectacle du stand-upper, Abdel Nasser.

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Dans le hall d’entrée de la Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale à Molenbeek, quelques bobos commandent une bière avec une briwate pendant que d’autres mamans arborant un foulard sirotent leur thé à la menthe. Le public semble venir de mondes différents. Des jeunes côtoient des plus âgés, des origines multiples se mélangent et discutent dans ce lieu culturel, où baskets Converse se mêlent aux talons aiguilles pour faire la file.

D’entrée de jeu, l’hymne national belge dans une version orientalisée ouvre le bal du spectacle où apparaît le comédien dans une tenue « pingouin » de Maestro avec pour seul accessoire sur scène, une chaise où est posé un chapeau fez marocain. Dans le prolongement de son dernier spectacle « Se marier à tout prix », Abdel Nasser évoque le mariage avec ses joies et ses déboires, mais aussi son désir de paternité. Le cadre est posé.

Le fil conducteur de la pièce réside dans les questionnements posés autour de l’avenir de cet enfant dans un contexte post-attentat. Les réflexions qui entourent le choix du prénom de l’enfant prennent une place prépondérante dans la pièce, car elles révèlent les tiraillements entre la fierté de son identité particulière, mais aussi les contraintes structurelles posées par la réalité des discriminations. Contrôle de police, délit de faciès, discrimination à l’entrée de la boîte de nuit ou au logement, tout y passe pour mettre en exergue les difficultés vécues par cet artiste à la double culture belge et marocaine, en rajoutant une troisième qui ne lui facilite pas la tâche, la culture musulmane.

Par de brillants jeux de rôles mimant toute une série de caricatures, en relatant des anecdotes à n’en plus finir, le public est hilare et rit aux éclats. Les applaudissements pleuvent après chaque vanne, comme une confirmation des expériences vécues par tout un chacun. La mise en scène, à travers le son et les lumières donnent une tonalité joviale au spectacle. Les musiques et les multiples références puisées dans la culture des années 90 de toute une jeunesse baignée par le Club Dorothée, les Mangas et les séries américaines constituent le fond commun de tous les spectateurs. À cela s’ajoute également cette référence à la culture du quartier des jeunes « draris » (qui veut littéralement dire enfant ou potes) qui dispose de son propre langage sémantique et corporel.

En somme, c’est quelque part l’illustration d’une culture urbaine avec ses propres codes culturels qui constituent le dénominateur commun de toute la mise en scène. Cette culture n’a ni nationalité, ni couleur. Elle est celle de toute une génération de Bruxellois qui a grandi dans les rencontres et les échanges avec Freddy, Hakim ou Jean-Michel.

La question de l’identité en général et des relations interculturelles en particulier sont au centre de cette comédie désopilante et subversive, mais qui au-delà du rire interpelle individuellement chaque spectateur sur l’avenir du vivre ensemble pour nos enfants. Un spectacle à voir absolument !

Fatima ZIBOUH

Chercheuse en sciences politiques et sociales