Joseph Conrad disait autrefois que « Les mots ont toujours plus de pouvoir que le sens ». Un adage cher aux médias qui sont, sans doute, les plus pertinents vecteurs d’information permettant la lecture du monde. La minutie de la terminologie est, par ailleurs, un socle de la déontologie journalistique. Ce reflexe professionnel est parfois bafoué ouvrant la voie vers une confusion dangereuse.
Le média est par essence le contribuable de la réalité sociale du citoyen. Soin et exactitude de la terminologie sont les maître-mots du journalisme. Ce reflexe professionnel est parfois bafoué ouvrant la voie vers une confusion dangereuse. Dernièrement, Le Monde relatait un enlèvement de 7 français au Cameroun. Depuis quelques mois, des islamistes ont déstabilisé la zone du Sahel provoquant des dommages collatéraux. L’auteur de l’article qui a décrit l’affaire assez justement commet une erreur de mots : d’abord décrivant le Boko Haram comme étant une secte islamiste, le journaliste continue quelques lignes plus bas en désignant les groupes d’islamiques.
Depuis bientôt 30 ans que ce terme existe et les rédactions arrivent à faire encore des erreurs en mélangeant “islamique” et “islamiste ». Maxime Rodinson, orientaliste, mettait en garde à ce propos contre une confusion probable à venir : « Dans le dictionnaire “islamisme “ est donné comme un synonyme d’islam. (…) le lecteur risque de confondre entre un extrémiste excité qui veut tuer tout le monde et un homme tout à fait raisonnable qui croit en Dieu à la manière musulmane (…) ».
Le spectateur lambda aura t-il assez de distance pour distinguer islam et islamisme ? Bourdieu disait à ce propos que « les mots peuvent faire des ravages : (…) le foulard est-il islamique ou islamiste ? Et s’il s’agissait simplement d’un fichu, sans plus ? (…) [les] présentateurs (…) [en] parlent souvent à la légère (…) devant des milliers des téléspectateurs». Pour traiter ce genre de sujet sensible, la prise avec des pincettes est à conseiller.
Nikita Imambajev
BURGAT (François), L’Islamisme au Maghreb, Karthala, Paris, 1988,
BOURDIEU (Pierre), Sur la télévision, Paris, Éd. Raisons d’agir, 1996,