Roschdy Zem a décidé de rendre hommage pour son quatrième film en tant que réalisateur à un clown pas comme les autres. Ce film dépeint l’histoire de Rafael Padilla, esclave, tombé par hasard dans le monde du cirque sous le sobriquet de Chocolat. Il deviendra le premier clown noir de l’histoire du cirque français. Alohanews est allé voir le film.

twitter-logo_2@MouSalhi

Le film nous plonge dans la vieille France du XIXe siècle. Des saltimbanques se tuent à la tâche pour que le directeur de la compagnie les intègre dans sa troupe. Ce sera le cas de George Footit, joué par James Thierrée (petit-fils de Charlie Chaplin), un clown blanc, pour qui les heures de gloire sont derrière lui. Ce dernier ne convainc pas et ne sait pas quel miracle viendra le sauver. Lors d’une représentation, il verra le numéro de Kananga joué par Omar Sy. Vêtu d’une peau de bête, son numéro de cirque ne consiste qu’à apeurer le public présent en contractant ses muscles et en criant de manière sauvage. À cette époque, il était évident de mettre en scène un «nègre» cannibale. Footit lui proposera de former un binôme avec lui et ainsi devenir un clown. L’idée paraît folle pour le meneur de la troupe. Durant leur première représentation, le public est d’abord choqué de voir un clown noir. Le premier coup de pied sur le postérieur de Chocolat suffira pour combler le public. Leur numéro les transportera à Paris et le succès leur tendra les bras.

Tout le long du film, on distingue le racisme ordinaire envers les personnes noires perçues comme de vulgaires nègres. Une scène violente reflète de manière très distincte ce racisme. Rafael Padilla se rend à une exposition coloniale. Ce dernier constatera avec stupéfaction que le public jette de la nourriture à une famille africaine exposée à la manière d’animaux au zoo. Au fil du temps, Chocolat se rendra compte que les gens rient, car un clown blanc ridiculise un pauvre «nègre» à coups de pied au derrière. Cette conscientisation s’opérera lorsqu’il sera enfermé, faute de papiers en règle, avec son compagnon de cellule. Ce dernier lui fera découvrir une pièce de William Shakespeare, Othello où l’acteur principal de la pièce est noir. Lui qui n’avait lu du dramaturge que Roméo et Juliette.

Y’a bon Banania

Il se rebiffera lorsqu’un publicitaire le représentera avec des traits de singe. Ce dernier avec l’aide de sa compagne, une jeune infirmière blanche, travaillera pour être à l’affiche d’Othello et être le premier homme noir à représenter ce classique du théâtre. Celui-ci voulait être reconnu pour son art et non comme un simple bouffon. À l’affiche, il voulait que son nom Rafael Padilla apparaisse. À la fin de la représentation, il sera hué. Chocolat n’est qu’un nègre burlesque aux yeux de ce public et il ne pourrait être autre chose.

Ce film montre avec force cette France qui rejette, mais qui a en son sein des personnes qui voulaient vivre en dehors des préjugés racistes. On perçoit aussi l’amitié qui naît entre ces deux amuseurs aux caractères aux antipodes ne se retrouvant finalement qu’à travers le rire de leur public. Ce film a une résonance particulière aujourd’hui, car bien que l’on constate des progrès en un siècle, le racisme n’a pas forcément disparu. Il s’est drapé, lissé, ancré d’une manière telle qu’on le croirait parti. La diversité dans le monde du cinéma est peu présente. Les minorités sont souvent cantonnées à des rôles qui viennent renforcer les stéréotypes. La polémique autour de la cérémonie des Oscars en est une preuve. La communauté afro-américaine s’est plainte de ne pas être assez représentée lors de la cérémonie. Des personnalités phares du cinéma comme Spike Lee ont décidé de boycotter l’événement cette année. Un hashtag #OscarsSoWhite a notamment vu le jour. Le réalisateur américain a repris un article du daily best avec ce tag sur son compte Twitter dans lequel Barack Obama affirmait que « la diversité crée un art meilleur » :

Le film a fait l’unanimité dans la twittosphère. D’après cet internaute, le film devrait être d’utilité publique et être diffusé dans les écoles :

Un autre tweet vient d’une élève qui partage le mail de sa professeure d’espagnol soulignant l’authenticité et le réalisme du quotidien des saltimbanques de cette époque :

Au-delà du récit de ce destin semé d’embûches, Chocolat est une fable sur la condition humaine et vient nous poser des questions sur notre rapport aux autres, aux préjugés qui sont ancrés en nous. Il mêle à la fois l’émotion, la mémoire et l’Histoire. Pour Rafael, la vie n’était qu’un cirque.

Mouâd SALHI